Je vous le dis tout de go : Antebellum m'a fait frissonner.


Il m'a ramené au temps de la guerre de Sécession de temps d'un formidable plan séquence. Ce bon vieux temps où les inférieurs n'avait pas encore eu l'idée de lever le poing vers le ciel. Où il n'y avait pas encore de bon pasteur en train de nous saouler parce qu'il avait fait un rêve. Le bon vieux temps où l'on avait pouvoir de vie et de mort sur nos propriétés. Où on pouvait les faire bosser à l'oeil dans son champ de coton. Où l'on pouvait en abuser, parce qu'elles disaient toujours « Oui Monsieur ». Pour notre bon plaisir avant de les brûler.


Aaaahhh... C'est que j'en aurais presque souillé d'émotion ma cagoule du Ku Klux Klan toute neuve, tiens.


... Si j'avais été un con-fédéré.


Tout cela pour dire que Antebellum démarre en fanfare en montrant en mettant en image toute l'horreur, la pression psychologique et la négation des êtres humains quand ils ont le malheur d'avoir la peau noire dans l'Amérique des années 1860. Et instille une haute tension.


Et avec la promesse d'un film à twist, on pense, l'espace d'un instant, que Manoj Night Shyamalan et Jordan Peele se sont donné la main pour conjuguer leur talent et leurs efforts.


D'autant plus que le moment du twist, à première vue, passe comme une lettre à la poste. Et l'on se demande donc, fébrile, jusqu'où Antebellum va nous mener, en espérant secrètement la même intensité que ces trois premiers quarts d'heure. En espérant que l'oeuvre s'inscrive aux côtés de Get Out ou Us.


Sauf que peu à peu, le duo Gerard Bush / Christopher Renz semble se démobiliser. Comme s'ils pensaient, derrière la caméra, qu'ils avaient fait le plus dur et qu'il n'y avait plus qu'à dérouler jusqu'au mot fin.


Sauf que cela ne suffit pas, et que Antebellum s'en ressent.


Et si le propos nécessaire est plutôt bien soutenu par des aller retours entre deux univers très voisins, si le spectateur indulgent pourra quand même se dire qu'il n'y a pas là à regretter le prix de sa place, le film se montre de plus en plus maladroit en vue de sa dernière ligne droite.


Car le twist, après coup, on le souligne au stabylo jaune fluo, avec ses plans bien insistants, comme si Antebellum se rêvait


comme Glass, quand il révélait son trèfle tatoué sous la main de certains de ses personnages.


Car Jena Malone surjoue comme une cochonne, allant presque jusqu'à prendre son rouge à lèvres pour écrire sur son front : « Je suis la MECHANTE et j'en veux à la gentille ah ah ah !!! ».


Car Gabourey Sidibe pollue littéralement l'écran à chacune des apparitions de son personnage vulgaire et des plus sans-gêne, tirant une balle dans le pied de la cause tant l'archétype qu'elle représente est lourdingue.


Car le rythme du film tend vers le hoquet en dénouant son plan de manière beaucoup trop brusque pour convaincre totalement, alors que Antebellum aurait pu s'inscrire dans les pas


du récent The Hunt.


Et cette campagne publicitaire, qui nous supplie de ne pas dévoiler la fin du film, celle-ci vise à vous empêcher de savoir qu'elle est salopée d'un ralenti totalement hors sujet et affligée d'une musique bien pompière qui laisse un sale goût de déception dans la bouche. Tant elle signifie que Antebellum s'envisageait comme un film trop sérieux pour son propre bien.


Et l'on se rappelle soudainement qu'il s'agit d'un premier film. Et que les attentes suscitées par le genre abordé étaient peut être trop lourdes, finalement.


Car le duo a quelques bonnes capacités, mais il a eu à l'évidence les yeux un peu plus grand que le ventre. Le sujet promettait beaucoup. Dommage que son traitement soit parfois si maladroit...


Behind_the_Mask, nostalgique.

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le 9 sept. 2020

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