Down the river to pray, hommage to the God of Crazyness

Il y a pas à renâcler, Apocalypse Now est un film bluffant. Il réussit à construire une ambiance, des personnages, un scénario, un propos et le tout dans un véritable mouvement, une idée fluide en trois partie qui s'articulent ensemble, se complètent, se répondent.

Ça faisait un moment que je devais le voir, mais 3h16 d'un film sur-encensé, film de guerre par dessus le marché, il me manquait cette petite étincelle qui permet de mettre le feu au poudre que ce soit pour dynamiter la chose ou s'émerveiller d'un feu d'artifice coloré.

Devant mon pas lent, Thomas_Dekker décide de me forcer la main, il me propose une séance avec son ciné-club, ce qui est dit sera fait. 3h16 là aussi, version longue oblige. Et alors ...

Et alors on commence par s'émerveiller devant cette intro redoutable, une utilisation magistrale d'un titre des Doors dont les paroles résonnent une fois de plus sur fond de jungle brulée, The End qui nous annonce dès le début que pour ces hommes, pour cette guerre, c'est déjà la fin, on a déjà atteint la folie, ce n'est pas la ventilation qui pourra éteindre la fièvre brulante du capitaine Willard, un Martin Sheen magistral dont la voix résonnera pendant tout le film, un peu rocailleuse, inoubliable.

Le vin est tiré, il faut le boire, cela vaut aussi bien pour l'état major qui préférerait vider la coupe de ses péchés en se débarrassant du dérangeant colonel Kurtz, que pour Willard qui est autant dans la damnation que dans le salut rédempteur en revenant au Vietnam.

Toute la descente de cette rivière sera une descente dans la folie, une exploration de l'homme, sa métamorphose face à l'horreur. Pendant cette descente Willard prend à chacune de ses rencontres un peu de matière pour fabriquer son cocon, sa propre métamorphose, pour finalement se transfigurer.

Comme je l'ai dit plus haut on peut voir trois étapes, chacune d'elle jouant avec des codes différents, traitant aussi d'une autre facette des personnages, chacun étant une évolution. On a d'abord toute cette première partie, presque légère, qui utilise beaucoup plus de couleurs que les autres, on est encore dans le rationnel, dans l'exagération, la folie de Kilgore paraissant désinvolte, comique bien que déjà dérangeante. On a déjà suffisamment évoqué la chevauchée des vierges scandinaves et pourtant, diable c'est vrai que c'est admirable !

Le bateau peut à son tour s'enfoncer dans la brume, s'enfoncer à son tour dans la folie, enfin seuls ... C'est aussi la rencontre avec les Français qui ont le rôle d'effet miroir, à travers leur présence presque invraisemblable, roc de calcaire qui défie la marée, ils renvoient à l'expédition sa propre absurdité, sa présence, ses motivations ... Tels des fantômes d'un autre temps, diaphanes, irréels, surgissant de nulle part, les couleurs ont presque disparus, l'image est plus sombre, les couleurs quittent le champ avec la bonne humeur, laissant place aux premières tensions, à la destruction de la logique, de la hiérarchie.

Quand enfin on arrive à destination, Coppola va essentiellement travailler avec un jeu de clair obscur, jouant sur les contrastes entre cette lumière et les ombres. Ça correspond parfaitement à cette partie du film, c'est le moment du choix, c'est le passage à l'acte, c'est l'opposition, c'est l'apogée de la figure christique, voir païenne (autant la notion de sacrifice pour l'autre, de résurrection, que celui de la vache en offrande, du sang sur les mains, que la descente des marches qui évoque le sacré et la rupture).

Là où le film est particulièrement efficace, c'est dans la création du mythe de Kurtz, à travers l'image construite avant son apparition, l'idée de sa présence qui nous fait frissonner. On commence juste par sa voix, puis ce sera uniquement son histoire, la fascination qu'il exerce aussi bien sur Willard qui y voit un reflet, un modèle, un père, un héros, un fou. Il est donc dommage que Brando ne soit pas à la hauteur de la légende de son personnage (bien que toute cette scène où on n'aperçoit pas son visage est une merveille).

Si encore il n'y avait que cette déception ... Mais le film traine un peu sur la longueur, est répétitif dans son propos, perdant en légèreté, accumule trop de symbolique, est inégal dans ses parties, en fait surement un peu trop à certains moments.

Heureusement qu'il y a ce chiot et sa présence pour me réconforter, au fond de la rivière, près des têtes tombées ...
Cmd
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le 29 sept. 2012

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le 29 sept. 2012

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