I love the smell of napalm, in the morning

J'évite en général de le faire lorsque c'est possible, mais pour cette fois j'écrirai à chaud sur Apocalypse Now.
Je préfère donc prévenir avant que les fanboys ne s'emballent : je pense que c'est un dix de coeur plus que de raison.
En effet, j'ai décroché à une ou deux reprises lors du trip mystico-philosophique de Marlon Brando et ce simple fait, un léger ennui ou un certain hermétisme, est en général suffisant pour que je refuse à un film la "perfection".
Mais c'est un peu plus compliqué ici. Cette oeuvre m'a profondément secoué, probablement même que cela sera plus clair dans quelques heures, jours. En regard de sa richesse et de sa durée, je crois que ces petites "sautes" d'attention sont finalement compréhensibles et "normales"
Il est possible que la note change et que je revienne vers le 9 qui se profilait presque. Mais j'en doute.

Difficile de décrire ce que je viens de vivre.
Film, récit de guerre. Road-movie aquatique. Expérience sous acide. Manifeste contre la guerre. Étude de ses effets sur les hommes qui la vivent au quotidien. Trip mystique.
C'est un peu tout cela à la fois, sans que l'ensemble ne soit jamais fouillis, ni réellement incongru (et donc aucunement passible de la crêpe chocolat fruits de mer).
Bien sûr il y a des scènes irréelles, presque surréalistes. Souvent renforcées en cela par des musiques spatiales, semblant venues de nulle part, en décalage complet avec le contexte des affrontements environnants. Des moments purement psychédéliques au sens strict, où rêve et réalité se mêlent.
L'absurdité y a sa place, comme pour souligner que la guerre l'est toujours.
Un glissement progressif vers la folie pour la quasi-totalité des protagonistes apparaissant à l'écran, des héros aux seconds rôles les plus brefs.
Un colonel au chapeau texan apparemment béni des dieux, qui semble à l'abri de la moindre menace et envisage sans sourciller de surfer au milieu d'une pluie d'obus.
Je sais que j'ai la main lourde avec les comparaisons en ce moment mais il faut m'excuser, à choisir entre l'incongruité de gangsters discutant de bites et de Madonna dans Reservoir Dogs, et un militaire qui choisit le lieu d'une attaque fonction des "spots" de surf, persiste à pratiquer ledit sport en plein combat, et quadrille la jungle à grands renforts d'hélicoptères équipés hauts-parleurs parce qu'on lui a volé sa planche... Eh bien oui excusez-moi, le choix est vite fait.
Just sayin'.

La bande-son dans son ensemble est somptueuse avec bien évidemment, je ne peux pas éviter de le mentionner, ce plan mythique des hélicoptères fondant vers les viets sur fond de la Chevauchée des Walkyries.
Il est entendu que Wagner était un visionnaire, mais de là à composer spécialement pour un film donné avec 125 ans d'avance, j'avoue rester admiratif.

Au diable la retenue, je pense que le jeu des acteurs est tout simplement le plus époustouflant qu'il m'ait été donné de voir, Martin Sheen en tête, bien sûr talonné de près par Marlon Brando et Robert Duvall dans le rôle du colonel fanatique de surf.
Voir Harrison Ford et Laurence Fishburne jeunes est également une délectation en soi, peu importe leur place dans le film.

Tout de réalisme, Apocalypse now relate, je pense, bien la guerre et sa cruauté, sa violence, sa folie, son absence de logique et parfois de discernement, que ce soit le troufion de base ou le haut gradé.
Avec ses dérives et pertes de contrôle, à l'image des fêtes excessives organisées par et pour les troupes les plus éloignées de la "civilisation", la désorganisation des camps isolés dans la jungle. Le chacun pour soi, où même les quelques filles envoyées pour distraire les soldats finissent progressivement et insidieusement par perdre la raison, dans une scène poignante et une fois encore absurde.

Les images, superbes de bout en bout dans les mises en scène comme dans les jeux de lumière subtils et sublimes, lumière souvent naturelle d'ailleurs.
Des compositions presqu'oniriques et largement empreintes de poésie, comme cette silhouette de femme évoluant derrière une moustiquaire, en un clair-obscur délicieux.
Ces levers et couchers de soleil.

Je m'arrête là, encore un peu groggy, avant de vous avoir couché par écrit les trois heures de film.
Il y a beaucoup à en dire, mais le mieux reste bien sûr de le voir de vos yeux, si par malheur ce n'est pas encore fait.
SeigneurAo
10
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le 26 nov. 2011

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SeigneurAo

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