Été 2020, l'ère caniculaire et annihilante du monde moderne, n'était qu'une raison de plus, pour s'évader dans ce road-trip crépusculaire, me rappelant alors que l'extinction du genre humain à toujours frôlé son aboutissement. En réaction aux souffrances vietnamiennes (contemporaines), les protagonistes vont se frayer un chemin, chaotique et monstrueux, à travers la jungle initiatique, les sentiers nécessaires pour se sortir des peines terrestres, des oppressions matérielles. Le film raisonne ainsi comme une métaphore puissante à qui chercherait les portes de la conscience humaine. Il est ainsi nécessaire pour moi de faire un parallèle important avec l'oeuvre musicale des Doors, dont l'ouverture cinématographique sur "The End", annonce vraisemblablement les contours spirituels que Francis Ford Coppola souhaite évoquer dans ses plus infimes susceptibilités, usant alors du prétexte guerrier pour témoigner de la condition substantielle de l'esprit. Le capitaine Willard (Martin Shen), souffrant dans sa chair au milieu de cette prison mentale, cherche une porte de sortie. C'est alors qu'on lui confie une mission, celle d’assassiner le colonel Walter E. Kurtz (Marlon Brandon). Le film narre alors ce cheminement implacable vers ce monde oublié, transcendant, que le colonel renégat tenta de rebâtir de ses bras épuisés. Plus les protagonistes s'approchent de l'illumination, plus leurs consciences s'altèrent, au profit de nouvelles visions. La pellicule s'effrite pour laisser le réel sujet de contemplation et de réflexion, les pâles lignes crépusculaires, ne sont que les fantômes des soldats esseulés. On assite impuissant à leur quotidien morose, déroutant. De la "cavalerie aéroportée", jusqu'à la demeure française, l'oeuvre dénonce la cupidité évocatrice de l'Homme dans son besoin de conquête et d'espace vital, si bien orchestrée par la Chevauchée des Valkyries de Wagner et Rasquin. Mais il existe, au centre de cette jungle mortifère qui est le système, un paradis artificiel, sauvagement désigné par les puissances à l'oeuvre, incarné par l'idéologie de Kurtz. Comme l'évoque le photographe, il est "un poète-guerrier au sens classique du terme". Dévorant de charisme mystique, il apporte aux indigènes et déserteurs, une forme de retraite spirituelle et libertaire. Il illustre l'aboutissement du parcours belliqueux, obligatoire alors de son vivant, jusqu'à sa mort symbolique. Cette quête s'entreprend dans la boue et le sang, avec quelques moments d'accalmies, comme avec le plan sur l'opium. La silhouette féminine, surgit alors des limbes opiacées pour se loger dans la rétine, d'une mélancolie absolue et protectrice. De ces instants angéliques surgit ensuite l'horreur, jusqu'au final grandiose, cathartique, du triomphe du guerrier terrestre sur ses démons.