L'idée est assez classique en soi mais néanmoins efficace. Un bon père de famille banquier entamant sa routine matinale en quittant sa villa d' un riche quartier espagnol pour s'engouffrer dans sa BMW en présence de ses enfants : la voiture est plastiquée. Le défi d'un tel film est de réussir à utiliser un motif assez récurrent dans le thriller pour parvenir à s'en écarter ou plutôt à travailler dessus de manière intelligente. Le réalisateur s'en sort plutôt bien en lançant la mécanique aussitôt la voiture démarrée, comme si la mécanisme du film était synchronisé sur celui de la bombe qui se trouve sous les sièges des protagonistes. Le résultat est haletant puisque l'on nous propose de l'action anxiogène soutenue par un rythme solide et léchée par une photographie assez froide dans les tons verts et gris (couleurs très utilisées dans ce genre d'intrigues, notamment au cinéma américain, ce qui ne relève pas d'une originalité foudroyante) dans laquelle un homme caractérisé par l'assurance de ceux qui ont réussi se voit, petit à petit, déstabilisé, manipulé, par un adversaire vengeur. L'efficacité de ce film réside certainement dans la trouvaille intéressante du huis clos mobile, la mise en scène de cet homme prisonnier de sa propre voiture, prisonnier de son propre luxe peut-être, de sa propre richesse (on y verra le symboles qui nous conviendront) contraint d'enrayer lui-même le circuit du système parfait dans lequel il travaille jusqu'alors pour satisfaire les objectifs de son bourreau (uniquement présent par téléphone pour commencer, comme une sorte de big brother). L'exploitation des différents et nombreux angles de vue offerts par le véhicule dans lequel le personnage est cloitré contribue à maintenir le spectateur en haleine et à rompre avec la monotonie attendue de la mise en scène d'un film de commande. Derrière ce thriller classique en apparence se cache l'exploration de nombreuses thématiques : la culpabilité, le rapport du père avec ses enfants, l'inversion du rapport de force entre une victime et un bourreau qui est particulièrement intéressante ici puisque le criminel agit sachant qu'il na plus rien à perdre ayant déjà tout perdu auparavant à cause des conseils financier malhonnêtes de personnages de Carlos et Victor. Ce monsieur tout le monde victime de tout un système décide de faire payer sa dette à celui qui a, négligemment, détruit a vie. Il est amené à passer par la violence pour se faire remarquer, pour exposer sa détresse, comme une sorte d'appel au secours, c'est la seule solution qui s'offre lui pour émerger de la multitude et pointer du doigt la faille du système. En filigrane, on peut comprendre que la véritable violence n'est pas celle que l'on nous montre à l'écran, mais plutôt celle du système bancaire qui est ici sous entendue. C'est cette subtilité qui m'a plu ici. Le film amène aussi à se poser la question suivante : Carlos n'est-il pas lui aussi victime de ce système dans lequel il travaille, qui a fait de lui un homme blasé, happé par le travail qui l'écarte de sa vie familiale et de lui-même? Car, si l'on y réfléchit, Carlos est peut-être bien la véritable victime de ce film, et l'acte du bad guy s'avère révélateur du désastre de sa vie. Si les enfants sont dans la voiture, ce n'est pas uniquement pour susciter la pitié du spectateur quant à la menace de la bombe, mais bien pour soumettre une évidence à Carlos : ses enfants sont là et ils ont besoin de lui, il doit se rapprocher d'eux. L'adversaire plonge le héros dans une certaine introspection qui le pousse à se regarder dans la glace, comme si l'urgence de la situation qu'il traverse collait avec la nécessité de reprendre sa vie en main et de revenir à l'essentiel, comme si il fallait en arriver là pour que l'homme se penche enfin sur lui-même.


    Ce film est donc assez attendu dans sa forme mais plutôt surprenant dans le fond puisqu'il soulève bien plus d'interrogations qu'il n'y parait. Cette œuvre est donc un alliage d'action et de reflexion renforcé par une tension permanente et grandissante peut-être quelque peu gâchée par un happy ending mielleux, facile, agrémenté d'une musique trop convenue qui nous ramène davantage aux basses oeuvres du cinéma hollywoodien qu'aux morceaux de bravoure du cinéma indépendant européen. C'est un film accessible à tous qui aurait très bien pu être un thriller américain mais qui conserve pourtant ce qu'il faut de marge de manoeuvre pour pouvoir s'extraire des sentiers battus et nous faire réfléchir un peu après le générique de fin. Bon Film!
HugoDavenne
10
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le 5 août 2018

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Hugo Davenne

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