Applause
6.9
Applause

Film de Rouben Mamoulian (1929)

« Applause » est un film parlant réalisé par Rouben Mamoulian, né en Géorgie d’une famille arménienne, immigré aux Etats-Unis dans les années 20. D’abord metteur en scène de théâtre, il est approché par la Paramount pour réaliser « Applause », qui sera donc son premier film.


« Applause » nous emmène dans l’univers du burlesque de Broadway. Kitty Darling, la star d’une troupe de danseuses, donne naissance à une fille au moment où elle apprend la condamnation à mort du père, dont la grâce a été refusée.


Les années passent, Kitty s’est consolée dans les bras de Hitch, manager peu recommandable de la troupe, qui la trompe allègrement. April, la fille de Kitty, a été envoyée au couvent autant pour y recevoir une réelle éducation que pour être éloignée du milieu du burlesque de sa mère. Quelques années passent, et Hitch – qui exploite financièrement une Kitty vieillissante et alcoolique – apprend que celle-ci consacre l’essentiel de ses revenus à financer le pensionnat de son enfant, il la convainc de faire revenir la jeune fille à New York.


April quitte son convent et découvre la grande ville, un monde de bruit et de fureur qui l’étouffe. Elle réalise, peinée, la condition sordide de sa mère, et fait la connaissance de Hitch, détestable personnage qui voit en elle une future star pour sa troupe, dont l’icône – Kitty – n’est plus de prime jeunesse. Seul rayon de lumière dans ce noir paysage : le jeune Tony, un marin solitaire avec lequel April se lie rapidement.


Dans son intrigue, « Applause » est, de prime abord, un mélodrame classique, où deux amoureux vont voir leur relation contrecarrée par des éléments extérieurs, mais triomphent finalement. Toutefois, le film de Mamoulian est extrêmement novateur de par sa technologie et sa réalisation.


Il faut savoir qu’aux débuts du cinéma parlant, les possibilités des réalisateurs sont bien plus limitées qu’à l’époque du muet. Il est en effet impossible d’éditer les pistes sonores au cours d’une scène : il faut donc que la scène soit jouée et enregistrée en une seule prise. Autre problème : les caméras, qui produisent un vacarme terrible. Pour supprimer ce bruit parasite, elles sont enfermées dans de grandes boites insonorisées, mais non déplaçables : elles perdent donc toute mobilité.


On considère que le premier film parlant est « The Jazz Singer » de 1927, premier film à proposer des extraits sonores. Le premier film entièrement parlant, « all-talkie », vient en 1928, il s’agit d’un film de gangsters : « Lights of New York ». À l’époque, en raison des restrictions techniques évoquées plus haut, le parlant est un ajout faible aux films ; les personnages se contentent de s’assoir et de parler. Le muet reste alors infiniment plus riche pour créer de l’émotion chez le spectateur. Mamoulian voit dans le parlant une réelle opportunité, mais ne veut pour autant pas perdre les intérêts du muet. Pour pallier les restrictions techniques de l’époque, le réalisateur a donc recours à différentes méthodes :



  • Tournage avec plusieurs caméras, ce qui permet d’avoir plusieurs angles de vue sur une même scène. La lumière ne peut cependant pas être réajustée entre les prises ; elle doit donc être « acceptable » pour chaque caméra.

  • Tournage de scènes muettes auxquelles sont superposées des extraits musicaux : il est ainsi possible de réaliser des mouvements de caméras impossibles lorsque le son doit être capturé (les caméras étant très bruyantes). Autre avantage : la lumière peut cette fois-ci être réglée pour chaque prise.


Avec un enchaînement de scènes de dialogues, qui sont donc tournées avec plusieurs caméras, et de scènes muettes qui permettent un éclairage mieux choisi, à l’image des films muets, Mamoulian parvient toutefois à engager son spectateur émotionnellement. Son film n’a pas la puissance visuelle d’un Borzage, où tout est absolument maîtrisé, mais il prouve qu’il est possible de raconter une histoire avec un film parlant.


Autre conséquence de devoir tourner une scène en une seule prise : le réalisateur donne alors le contrôle du dialogue aux comédiens : ce sont eux qui doivent être le moteur de l’action, et qui vont mener le bon déroulement de la scène. Cela va mener notamment à la nécessité pour Hollywood de recruter des comédiens qui savent occuper une scène, crever l’écran. Ils feront notamment appel aux interprètes de Vaudeville, tels les Marx Brothers.


« Applause » est un mélodrame classique, qui présente toutefois un double intérêt. Outre son côté "pionnier", dans le sens où Mamoulian est le premier à trouver des solutions pour s’affranchir des contraintes techniques et proposer un vrai film, il est également intéressant de par son déroulement et sa conclusion, plus amère. Les acteurs font le job, mais ce sont les actrices, bien meilleures, qui portent véritablement le film.

Créée

le 16 févr. 2015

Critique lue 542 fois

2 j'aime

Aramis

Écrit par

Critique lue 542 fois

2

D'autres avis sur Applause

Applause
Aramis
7

Un pionnier du parlant

« Applause » est un film parlant réalisé par Rouben Mamoulian, né en Géorgie d’une famille arménienne, immigré aux Etats-Unis dans les années 20. D’abord metteur en scène de théâtre, il est approché...

le 16 févr. 2015

2 j'aime

Du même critique

Shanghaï Express
Aramis
7

Docteur H. et les Femmes

En 1931, Josef von Sternberg retrouve Marlene Dietrich pour un quatrième film, « Shanghai Express ». L’histoire est située en Chine, et, plus précisément, dans le train éponyme qui relie les villes...

le 16 avr. 2015

19 j'aime

9

Thelma et Louise
Aramis
10

The girls the authorities came to blame

Le 24 mai 2016, à l’occasion des vingt-cinq ans du film, j’ai vu, pour la troisième fois, « Thelma et Louise ». Deux heures après, pour la troisième fois, le film s’achevait et me laissait le cœur...

le 5 juin 2016

19 j'aime

4

La Comtesse aux pieds nus
Aramis
5

Le conte de l'ennui

En 1954, Joseph L. Mankiewicz réunit deux monstres sacrés du 7e art : Humphrey Bogart et la belle Ava Gardner – qui lui est "prêtée" à prix d’or par la MGM – pour son film « La Comtesse aux pieds nus...

le 6 avr. 2015

18 j'aime

9