Aquarius est typiquement le genre de films auxquels j'aurais préféré ne pas avoir à donner de note - me contentant d'une simple critique - tant il demande un effort intellectuel pour savoir comment le classer. Alors, un grand 6 ou un petit 7 ? Comment faire ? Faute de pouvoir trancher, je me suis tapé ma liste de notes pour voir où je devrais le placer et au final ça sera un grand 6, meilleur que les autres 6 donc mais pas au niveau de ce que je considère comme 7 (hors fluctuations exceptionnelles de ma notation). Et vous voulez que je vous dise en fait ? On s'en branle de la note.
Bref, après avoir raté la séance de samedi dernier, je me suis rendu ce soir dans mon cinéma de quartier pour y voir Aquarius dont je ne connaissais même pas le palmarès. A dire vrai, je m'attendais à un autre type de films, un peu plus mainstream dans sa façon d'être filmé et un peu plus intense, percutant dans l'exhibition de bons sentiments.
A ce titre, j'ai à la fois vu un meilleur et moins bon film que ce à quoi je m'attendais, un film moins percutant mais aussi plus vintage et réaliste dans sa retenue.
Autant le dire tout de suite histoire d'éviter tout malentendu : je suis passé totalement à côté de ce film tout simplement car je ne me suis pas senti du tout concerné par ce film. Suivre le quotidien d'une femme âgée et la voir s'envoyer en l'air (beurk) n'est pas spécialement ma tasse de thé ainsi que la société brésilienne, le cancer, etc. Ce ne sont pas des sujets que je méprise mais disons qu'ils ne piquent pas spécialement ma personnalité ou mon empathie, ni même d'ailleurs le personnage principal que je trouve presque irritant car posé comme empli de mérites sans que ça ne se voit spécialement à l'écran....au contraire.
L'histoire du film a un air de déjà vu et n'est pas passionnante pour deux sous, d’autant plus que deux des qualités du film (sa retenue et son réalisme) empêchent toute vibrance d'une intrigue de base très banale.
Bon...il est évident que cette intrigue n'est qu'une toile de fond pour développer deux sujets plus centraux : l'un plus intime sur Clara et les idées qui gravitent autour d'elle ; l'autre à une échelle plus grande sur la société brésilienne en général.
Le premier sujet manque à mon sens d'une véritable introduction. Sur 2H25 de film, on a le droit à peut-être 20 minutes de souvenirs de "jeunesse" qui en plus en plus n'apportent pas grand chose à la compréhension plus profonde du personnage principal. Alors certes elle a un cancer mais après ? Ce point n'est d'ailleurs pas vraiment traité car à part voir un sein coupé, l'héroïne ne semble pas spécialement affectée, ni même par la mort de son mari d'ailleurs. Alors certes après 17 ans ce traitement réaliste change des violons habituels de ce genre de cadre (rien de plus agaçant que le classique film autour de la maladie larmoyant et caricatural de bout en bout mis à part le fameux film annuel sur la deuxième guerre mondiale) mais du coup quitte à ne pas accorder un si grand intérêt à ces parties, il aurait été plus judicieux de montrer des choses qui façonnent vraiment la femme forte qu'est l'héroïne (du genre son passé de journaliste, etc.) car là à part croire sur parole tous les éloges sur cette "super Clara", on n'a pas beaucoup de matériel pour être pris dans le film. Je dois même dire que je me suis davantage pris d'affection pour le promoteur immobilier que pour elle.
Le deuxième versant est la société brésilienne qui là encore est montrée mais qui doit davantage faire écho aux locaux ou à ceux qui ont une expérience suffisante de la vie Brésilienne car rien n'est fait pour vraiment montrer les spécificités de celle-ci. Et ceci est encore plus vrai que le personnage principal est au fond une femme riche qui reste le plus souvent chez elle (à l'écran) et qui est amie avec des "notables" hormis sa servante. Du coup, là encore je me suis senti très éloigné du propos du film.
A côté de cela, le film a néanmoins des spécificités qui ont fait que les 2H25 sont passées raisonnablement vite.
Déjà, même si je préfère les oeuvres plus clairement symboliques ou analytiques, j'ai apprécié le réalisme du film. Ainsi, même si c'est forcément pas toujours palpitant, la vie de Clara est crédible, sans violons et les morceaux de vie sont plutôt bien choisis. Car oui il ne se passe pas grand chose dans la vie quotidienne et j'apprécie d'ailleurs comment le cinéaste cherche à la souligner par opposition à la romance des souvenirs que Clara ne veut pas abandonner (s'attacher à ses souvenirs, n'est-ce pas ne pas vouloir renoncer à ses petites illusions qui façonnent un équilibre mental sain ?). Alors, même si on est loin d'un niveau Proustien de profondeur derrière la banalité, on ne peut pas retirer au film ce charme des films "chiants" sur lesquels le français vaniteux aime bien fonder sa citadelle égotique.
[je pense à moitié ce que je dis, une sorte d'hyperoconscience sarcastique soudaine]
D'ailleurs, le tournage à l'ancienne est particulièrement réussi et ferait même regretter les anciennes années du cinéma.
Au final, Aquarius a été une sorte de moment apaisant sur un fond musical varié et plaisant. Cependant, je ne peux m'empêcher d'avoir cette question qui me trotte dans la tête : "et tout ceci nous mène où ?" Voilà encore un mystère et peut-être que c'était même ça l'idée du film...qui sait ?