La présence de Sônia Braga, alias Clara, était la condition sine qua non à ce que le film fût réalisé. Ça se comprend. Loin de faire ses 65 ans, l'actrice incarne parfaitement la femme de caractère que tous admirent des deux côtés de la caméra. Son jeu de fer allié au talent de Kleber Mendonça Filho pour faire parler les non expressions de ses acteurs donne une réalité aiguë à ses images.
Traitant le réel, le rêve et le souvenir en égaux, le film est conçu en un seul bloc inébranlable pourtant non linéaire, presqu'autant, en fait, que l'immeuble où vit Clara et qui va se trouver transformé par une génération nouvelle ; un régime politique contre lequel le film proteste en douceur, ce qu'il devra payer, dans le monde réel, du prix de la controverse.
Cependant c'est justement dans cet accueil injuste qu'Aquarius devient le plus vertueux et le plus éloquent. Sanctionné par la censure pour la forme de son œuvre, Mendonça Filho remporte une grande victoire de fond.
Sônia a vaincu le cancer trente ans auparavant. Maintenant c'est son appartement qui est malade. Le jeune entrepreneur qui veut détruire l'immeuble pour la mise en œuvre du projet Aquarius y voit une demeure simple peuplée surtout de souvenirs et de vieux vinyles ; il n'y voit pas la vie qui y a été menée.
Mais Clara, détentrice de cette vie, va découvrir malgré sa propre détermination que l'ouverture d'esprit acquise au travers d'une vie difficile, même maniée avec sagesse, ne suffit pas à faire remettre en cause les nouvelles valeurs du monde. Qui dit nouvelles valeurs dit nouvelles limites, et l'on peut compter sur le personnage et le réalisateur ensemble pour les déceler.
Le fond d'Aquarius a été en partie invisibilisé par des esprits trop fermés. Même si on l'ignore au moment du visionnage, le film en porte la marque avec dignité, car c'est son âme qui en est la cause ; la même que l'écran nous apporte encore maintenant.
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