Au début je me suis dit : « chouette, une version longue du clip de Sabotage, ça va être fun et insolent », quand j’ai vu la tronche des acteurs. Ben en fait erreur, c’est pas du tout une parodie des films d’action des années 70, c’est un film d’espionnage bavard et poussif qui, en fait, est un monstre de cynisme.
Le cinéma c’est l’art de raconter des histoires en les mettant en image (si si) et, rapidement, les machines de propagande de tous les régimes du monde ont récupéré ce médium pour le tourner la sauce de l’histoire à leur avantage : Eisenstein, Riefenstahl mais bon, c’est un peu cramé depuis, les flonflons et les chtis enfants qui font la bise au président/guide.fuhrer/gourou.
Puis vient Hollywood, la machine à rêves, qui pendant quelques décennies a subtilement caché les messages idéologiques : on transforme les rouges en zombis ou en extraterrestres, on montre que les gentils, c’est nous et qu’il y aura toujours un hélico de l’US Army de disponible pour sauver le chien de la grand-mère de l’incendie de la maison, hélico si possible piloté par un gamin roux et obèse. Un noir par ici, un latino par là, un asiatique de temps à autre dans le cadre et hop, le quota est rempli, le monde est sauvé et le président américain est encore plus fort que le messie de ton choix. Mais je m’égare, et je reviens à Argo.
Argo, ou comment des barbouzes gentilles de la CIA (ça existe on vous dit, ce sont de bons pères de familles, pas des gens qui te foutent la tête sous l’eau pour te faire avouer que tu es terroriste) vont accepter de financer un faux-film pour aller sauver d’autres gentilles barbouzes de la CIA –pardon, du personnel d’ambassade, c’est plus politiquement correct – prisonnières des vilains arabes musulmans qui font rien qu’à se rebeller parce qu’on leur pique leur pétrole, qu’on les prend pour des cons en leur refourguant des politiciens-marionnettes. Un peuple s’éveille, le drapeau aux étoiles crame…
Et c’est parti pour deux heures de bourrage de crane filmé par un ancien jeune qui aime les vieilleries, d’images à l’académisme pompier, de gros effets de style pour donner du suspens que l’on avait pas vu depuis je sais même plus quand (la voiture qui démarre pas, le vieux qui pète un cable dans le marché et qui menace de créer une émeute – les iraniens, ‘tention, c’est un peu comme des troupeaux de hyènes – et d’autres moments de bravoure propagandiste qui peuvent fonctionner si on a le cerveau comme des lasagnes au bœuf de cheval.
La véritable prise d’otage, c’est le cinéma qui la subit. Le septième art (cliché journalistique, je me refais plus) est ici la victime, ses attributs les plus sacrés violés sans remords par les militaires américains. Ca vous fait rêver le cinéma ? ben voilà l’envers du décor, avec des histoires bidons écrites par des porcs pour asservir les neurones des crétins, servant de prétexte à vous faire gober n’importe quoi. Et si ça marche sur la population américaine, ça doit marcher avec des douaniers iraniens ; Le cinéma, de l’art ? non, juste une histoire de financement, d’intermédiaires et de pattes à graisser, tout ça pour produire des films auxquels personne, durant le processus de production, ne croit une minute. Profit immédiat avant tout : sauver les otages. Argo, le film éponyme, ne verra jamais le jour, même pas une minute de tourné…
Un film sale, cynique, amoral, sympa comme le jour ou tu grilles que le père noël n’existe pas, juste que tu étais peut-être un peu trop jeune pour cela ? Ou trop idéaliste. Un vrai film historique, digne représentant d’une époque où le mensonge, la lâcheté et la tromperie sont les valeurs fondamentales.
--- Rédigé la veille des Oscars ---