As I Lay Dying
5.4
As I Lay Dying

Film de James Franco (2013)

Tandis que j'agonise (sur mon siège)

L’intérêt certain que suscite cette adaptation difficile se retrouve cannibalisé par sa prétention et son atmosphère pesante.

C’est à se demander où James Franco trouve le temps d’être acteur et réalisateur, avec plusieurs films par an à son actif dans chacune des deux activités. Bourreau de travail, il se lance ici en outre dans l’adaptation d’As I lay dying de William Faulkner, un de ces écrits que l’on qualifie d’inadaptables du fait de sa narration alambiquée, effectuée d’une quinzaine de points de vue différents et s’accordant des sauts temporels difficilement gérables.

As I lay dying est le récit d’un long et douloureux périple, avec pour seul but d’enterrer une mère de famille pauvre dans une bourgade voisine conformément à ses dernières volontés. Pour incarner les protagonistes d’une histoire de cette intensité, il fallait des acteurs avec une forte présence, parmi lesquels nous retrouvons en particulier Tim Blake Nelson (O’Brother), et… James Franco. Si l’ensemble du casting nous plonge avec talent dans l’atmosphère de misère propre à cette famille sous-éduquée et pauvre, celui-ci constitue une sorte d’anomalie, comme s’il ne parvenait pas à se faire aussi terrifiant que les autres personnages. Il semble représenter le seul espoir de normalité – auquel nous nous raccrochons désespérément, d’ailleurs – d’un environnement qui devrait, en toute logique, n’offrir aucune alternative.

C’est surtout au niveau de la mise en scène que Franco était attendu au tournant. Il est difficile d’évaluer son écriture sans avoir lu l’œuvre d’origine mais le cinéaste semble adopter un style presque expérimental, où les personnages ponctuent le film du fil de leurs réflexions parfois sans logique – parti-pris de Faulkner à la base. Si un roman écrit de la sorte est déjà difficilement accessible, il en est de même pour un film, et l’on ne pourra s’empêcher de penser à un penchant cauchemardesque aux litanies éclairées de Terrence Malick.

D’autre part, il opte intelligemment de scinder son écran dès qu’il en ressent le besoin, chacune des sections portant un point de vue, et le contraste entre ces deux visions promet une lecture aussi ardue que passionnante du film. Au départ, cette démarche intrigue, émerveille même, mais il semblerait que cet artifice trouvé pour étayer son propos lasse peu à peu, tandis que l’on se retrouve parallèlement aux prises avec une caméra tremblotante. Mais visuellement, le film offre une photographie irréprochable, terriblement mortifère, renforcée d’ailleurs par une musique absolument terrifiante, et en cela, il est d’autant plus rageant de ne pouvoir l’apprécier à sa juste valeur.

Car l’élément le plus marquant d’As I lay dying est son atmosphère pesante, étouffante. C’était probablement le but de James Franco, et en cela, il a brillamment relevé son défi, condamnant par la même occasion son film auprès d’une partie de son public. Car le cinéma, au-delà de l’exercice artistique, est généralement voué à être la source d’un moment agréable. Ce qui est exactement l’inverse d’As I lay dying, atroce et lente succession d’événements funestes, affreusement malsain, dont le visionnage devient laborieux passé les premières minutes. Et le plaisir de découvrir les techniques de mise en scène déployées par Franco, ou l’excellent jeu de certains acteurs, est gâché par la pénibilité du tout.

Un climat brillamment orchestré mais trop pesant transforment donc ce bel exercice en cauchemar. On déteste détester As I lay dying, et l’on regrette tant d’avoir perdu son temps à se faire torturer de la sorte que de n’avoir apprécié une œuvre dont les qualités sont indéniables. Faut-il lire l’œuvre de Faulkner avant de se farcir à nouveau ce sale quart d’heure et en apprécier les multiples références ? Probablement.
Filmosaure
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le 30 mai 2013

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