Sixième film visionné pendant le Festival de Cannes, et sixième nationalité représentée. Si, en Asie, le cinéma sud-coréen m’est plus familier, le cinéma japonais est aussi plein de ressources. D’ailleurs, voir une romance à l’affiche pouvait laisser interrogateur, mais une romance sélectionnée à Cannes se devait d’être particulière. Asako I & II avait toutes les cartes en main pour réussir, avec un bon pitch, un bon réalisateur, et de bonnes intentions. Mais ce film est la preuve que, même avec de bonnes intentions, il est difficile de compenser des erreurs importantes et de bien redresser la barre pour retrouver le bon cap.


Car la thématique d’Asako I & II est on ne peut plus claire. Malgré nos décisions, nos projets, nos envies et nos déménagements, nous emportons toujours notre passé avec nous. Celui-ci peut-être source de bons et légers souvenirs, mais il peut aussi devenir un fardeau insupportable qui nous rend prisonniers. En l’occurrence, Baku est ici la représentation de ce passé qui resurgit, après avoir été un futur en fuite. Sur ce point, le film a l’intelligence de suggérer une lecture au second degré, par le prisme de l’allégorie, avec le retour de ce passé, dont on peut alors ce dire qu’il n’est pas réel, que Baku est juste une idée personnifiée détachée de la réalité. Mais voilà, le film hésite, et semble même se résigner, revenant sans cesse à une narration tuant cette possibilité pour se muer en un triangle amoureux beaucoup plus classique, à l’évolution très irrationnelle voire agaçante.


C’est ce que l’on peut reprocher au film qui pêche principalement dans son scénario et dans son écriture. Soufflant de longueurs après le premier quart d’heure, il semble souvent s’étirer et se répéter, avançant sans réellement donner au spectateur l’envie de découvrir la suite. Parvenant soudain à le capter à nouveau, il semble alors se dévoiler sous un nouveau jour mais force est de constater qu’Asako I & II paraît faire preuve de paresse et de nonchalance, devenant indécis puis expéditif et presque résigné. Il va sans dire que, sur la forme, le film se distingue par sa qualité et que le ton qu’il adopte en général est propice à une introspection et à un récit intelligent sur l’amour et la place du passé dans la vie et notamment la vie amoureuse, mais, à chaque fois, le film nous coupe l’herbe sous le pied.


Malheureusement, Asako I & II n’arrive pas à susciter notre intérêt, quand la flamme s’éteint, on a beau vouloir souffler et rallumer le feu, celui-ci n’arrive plus à prendre. On entrevoit pourtant la possibilité de raviver le brasier, mais quand on semble enfin entendre le crépitement du feu, il s’éteint. Finalement, ce qui aurait pu être une très belle et intelligente allégorie sur la présence du passé dans notre vie se mue en un triangle amoureux faussement torturé, où les agissements de l’héroïne, irrationnels, ce que l’on peut partiellement justifier, laissent surtout dans l’incompréhension et face à un agacement certain. Personne n’y gagne, ni les protagonistes qui sont tous perdus dans leurs vies, que le spectateur, sur son siège, qui s’interroge sur le fin mot de l’histoire, dont on sent qu’elle voulait peut-être dire quelque chose, mais qu’elle ne s’est pas donné les bons moyens pour le faire.

JKDZ29
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le 19 mai 2018

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