La série vidéoludique Assassin's Creed se prête très bien à une adaptation cinéma. Les différents opus ont su développer un sens de la mise en scène et un univers propre, dense et original.
Et pourtant, ça n'a pas suffi...


Assassin's Creed raconte l'histoire de Callum Lynch, interprété par Michael Fassbender, condamné à mort qui est "récupéré" par la société Abstergo, une multinationale aux grandes ambitions. Abstergo va soumettre Callum à l'Animus, une machine capable de faire revivre à un individu la vie de ses ancêtres. Et l'ancêtre qui intéresse Abstergo, c'est Aguilar, un membre de la confrérie des Assassins ayant vécu au XVe siècle.


Et très honnêtement, un film avec un si gros background n'a aucune excuse pour se viander de la sorte. L'univers est prêt, le style de mise en scène aussi, voire même certains personnages. Mais non, plutôt que de faire un film qui aurait pu être, certes facile, mais surtout conforme au matériau de base, il a été décidé de faire un brouillon instable et bâclé.


A commencer par l'Animus. Sorte de caisson de réalité virtuelle dans les jeux, la machine est ici une énorme pince refermant ses serres sur le cobaye, pouvant bouger dans tous les sens et qui nécessite au préalable l'injection d'un fluide quelconque, dont ni l'utilité, ni le mode de fonctionnement, ni la provenance ne seront expliqués, parce qu'on s'en fout éperdument.
Mais il faut croire qu'ils sont fier de ce design étrange, puisqu'on le verra tout le temps. La moindre scène d'action se déroulant lors de l'époque d'Aguilar est sur-cutée de plans se déroulant en parallèle dans le monde contemporain. Alors que ces scènes auraient pu être bien rythmée (à défaut d'être bien filmées), on nous impose sans cesse un guignol qui fait de la motion capture tout seul dans un hangar en 2016, reproduisant les gestes de son aïeul espagnol.
Les seuls mouvements d'Aguilar qui ne nécessitent pas que l'on nous montre l'équivalent moderne sont les roulades. Etrange. Serait-ce dû au fait qu'évidemment il est impossible de faire un roulade avec un plug de vingt mètres de long et cinquante centimètres de large au niveau du dos ? Ne nous prenez pas pour des billes.


Le principe même du film est foiré. Pour un film Assassin's Creed, il y a plus de scènes en dehors de l'Animus que dedans.
Dans les jeux, 90% étaient basés sur une époque ancienne, avec 10% du récit prenant place dans le monde moderne. Et là on avait le temps de développer les personnages, s'attacher à eux, à Ezio, Altaïr, Edward... Mais dans ce film, les ratios sont plutôt autour des 60/40. Et donc clairement, ni Aguilar ni Callum ne sont développés, ni intéressants.
Pendant tout le premier tiers du film, Callum n'est qu'une espèce de benêt agressif qui ne l'ouvre que pour râler ou menacer. On sait juste qu'il a perdu sa mère et qu'il a été exécuté par injection létale pour meurtre. De qui ? On ne sait pas. Et comment Abstergo a réussi à le réveiller, ou à masquer sa mort, à le kidnapper et le transporter ? Eh bien les scénaristes n'ont même pas jugés bon de donner la moindre réponse.
Et ce n'est pas le jeu monolithique et mou de Fassbender qui rendra quoi que ce soit plus crédible. L'acteur n'exprime rien, ni la peur, ni la colère, ni la tristesse. On en viendrait presque à se demander si ce n'est pas un figurant avec un masque.
Et ce n'est pas le seul acteur aux fraises. Aucun n'est bon. Marion Cotillard réussit presque à avoir une sorte de présence à la fois réconfortante et fantomatique, sans guère plus, Jérémy Irons est là pour payer ses factures, et les seconds rôles sont guère convaincants. Le pire reste l'acteur du père de Callum, qui, alors qu'il se fait poignarder, nous sort la plus impressionnante des poker faces, qui arrive au mieux à exprimer un "fichtre, j'ai oublié de mettre les oeufs au frigo". Le seul moyen de comprendre qu'il s'est fait poignarder vient du bruitage !
Je ne plaisante pas. Il y a un plan où le père est entouré de gardiens, puis on voit son visage inexpressif en plan rapproché, aucun gardien n'apparait dans le cadre, un petit bruit métallique et bim. Il meurt. Pas la moindre trace de sang non plus.
Parce que c'est encore un autre point : le film est tellement propre qu'un pourrait mettre son affiche sur les paquets de lessive Cajoline. Alors que les jeux sont déconseillés aux -18, ici pas d'effusions de sang, tout est terriblement aseptisé. Même la scène du début dans laquelle Aguilar se fait trancher un doigt élude absolument tout.
Une dernière chose : le développement et l'utilisation des personnages est catastrophique. Ils retournent leurs vestes au moindre petit chamboulement, et n'ont aucune personnalité. Ce sont d'abominables coquilles vides qui ne suscitent rien. Vers la fin, un jeune assassin meurt et le fait que le film insiste dessus me laisse croire que j'étais sensé être triste. Mais p'tit gars, je t'ai vu cinq minutes à l'écran, tu n'as même pas de nom ! Je m'en fous, de toi !


Cependant je dois reconnaître que les scènes de parkour sont très bien adaptées des jeux, et que toutes les scènes en Espagne baignent dans une ambiance plutôt réussie, fruit d'une photographie pas trop mauvaise quand on ne nous crache pas au visage des effets spéciaux peu réalistes.
Encore une fois, les scènes d'action sont mal rythmées et mal filmées et c'est dommage car elles sont bien chorégraphiées.


Mais, eh... En fait, c'est triste à dire, mais les jeux jouissent d'une bonne mise en scène, de beaux décors, de voice actors convaincants... Comparé à ça, le film n'a rien à apporter, finalement.


Voila.
Assassin's Creed les jeux sont de meilleurs films qu'Assassin's Creed le film.


Belle déception de mon côté, je crois que je vais retourner jouer.

QuentinYuanMalt
4
Écrit par

Créée

le 24 mars 2017

Critique lue 428 fois

Yuan Cloudheart

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