Pas étonnant que le réalisateur Joseph Lewis et le scénariste Philip Yordan ne l'ont jamais apprécié : beaucoup de défauts gâchent ce qui aurait pu être un bon film noir.
Tout d'abord, cette histoire d'amour invraisemblable entre la femme du mafieux et le lieutenant de police, Diamond. J'aimerais savoir avant tout comment une femme vertueuse, cultivée et tout sauf innocente se lie avec un mafieux (d'accord, il la menace, mais n'a-t-elle jamais pu s'enfuir?). Ensuite, comment un lieutenant de police, obsédé par cette femme, se méconnaît tellement qu'il se révèle incapable de se rendre compte de ses sentiments envers celle-ci – même un gamin de 10 ans saurait le faire? Enfin, à force de le voir rôder en vain autour de la bichette que le méchant loup veut dévorer, on se lasse vraiment de cette intrigue secondaire qui finalement revêt une trop grande importance dans le scénario.
Un autre point qui gêne : ces interminables redondances. Un événement se passe, que le spectateur voit. Pourquoi dans la scène suivante sommes-nous obligé de nous retaper le résumé des faits quand un des personnages vient raconter ce à quoi il a assisté un autre personnage ? Complètement inutile du point de vue narratif, maladroit de la part du scénariste. Et pourtant, cela arrive plus d'une fois.
Mais pourquoi malgré ces défauts le film nous retient l'attention? Grâce à cette ambiance de film noir, magnifiquement rendue par le photographe John Alton, avec ses ombres peuplant la nuit et celles projetées sur les murs, ses clairs-obscurs proches de l'abstraction, sa pâle lumière nimbant les silhouettes muettes et les visages tendus, sa dense brume flottant dans les rues mal éclairées, ses nuages de fumée, sa vie nocturne. Par ailleurs, une scène d'anthologie s'y glisse : la mort silencieuse, l'assassinat de l'homme de main de Conte (Joe Mc Clure) sans oreillette. Sublime.