Excellent film noir, au suspens entièrement gardé et savamment distillé malgré l’annonce initiale, avec des éléments de l’intrigue policière et des personnages se dévoilant progressivement et un mystère se désépaississant simultanément, Assurance sur la mort mêle intelligemment petites magouilles et ingéniosité, vénalité et morale, innocente complicité et amour intéressé, meurtre et culpabilité, le tout avec un parfait équilibre moral entre les personnages et une caractérisation évitant le manichéisme.
Certes, certains détails de l’intrigue ne collent pas parfaitement et les acteurs, à l’exception d’Edward Robinson, toujours aussi incroyable surtout dans cette tirade sur les statistiques de suicide (meilleure scène du film à mes yeux), ne convainquent pas vraiment (eux qui viennent de la comédie). Néanmoins, la tension, palpable du début jusqu’à la dernière scène, est toujours bien maintenue et brillamment relancée, si bien que l’on ne s’attarde guère sur ces détails secondaires. Ceci est d’autant plus notable que Wilder, grâce au procédé révolutionnaire pour alors du flashback combiné au monologue, ose tout dévoiler dès le début (crime, mobile, coupables, victime), sans pour autant nuire à l’intérêt du spectateur (on est même porté à croire qu'une issue est possible malgré la fatalité annoncée dans le prologue), le duel d’intelligence entre collègues y participant grandement. De plus, Wilder parvient à nous faire pénétrer dans l’âme tourmentée des personnages, à nous en faire partager les peurs et les désirs à tel point qu’ils ne sont plus jugés moralement ; au contraire, ils suscitent notre empathie et nous voulons enfin les voir réunis et heureux, oubliant ainsi leur crime.
Premier grand succès de Wilder en tant que réalisateur après avoir été scénariste entre autres de Ninotchka de Lubitsch, Double indemnity est devenu légitimement un classique du genre. Incontournable.