Quand les ailes du désir ne volent pas bien haut
Grand événement en cette fin d'année 2014 : de l'Astérix orchestré par de l'Astier sur nos grands écrans ; on occulte même le réalisateur principal ; c'est dire le rayonnement que peut dégager notre bon génie de la rhétorique.
Le casting nous fait de l'oeil avec un Lorànt Deutsch qui a su se bonifier avec l'âge, quelques têtes de Kaamelott (inclu un Guillaume Briat qui essaie tant bien que mal de partager ses lignes de dialogues avec ROGER CAREL COMME CA FAISAIT LONGTEMPS QUE TU N'AVAIS PAS PARLE DANS LA MOUSTACHE ! S'ajoutent Alain Chabat, au ton juste, Elie Semoun, au ton injuste, et Astier, dans un rôle différent-mais-pas-trop.
Tout ce petit monde est mélangé dans moins d'1h30 de film, et 1h30, c'est court. Très court. D'ailleurs, on retrouve nos gaulois en pleine course dès les premières minutes. C'est symptomatique de la suite.
Le film est assez déstabilisant. A la fois fidèle au livre tout en essayant d'aller plus loin, à la fois construit sur ses idées en toile de fond en essayant de s'attacher à une forme burlesque à la sauce humoristique imposée aux jeunes par Pixar depuis bientôt 10 ans, le film part dans tous les sens !
Et c'est son gros défaut.
L'entracte est arrivée après 45 minutes. En 45 minutes, le film était arrivé à la résolution de la BD. Alors on peut se dire que c'est chouette ; il y a encore plus d'une demi-heure de film purement spéculative quant à ses événements. Mais il y a surtout 45 minutes de condensé de la BD. C'est presque effrayant, lorsqu'on pense au travail d'un Astier qui repose souvent sur une longue construction de dialogues, de voir que le film ne contient pas une scène qui doit durer 5 minutes.
J'ai vu qu'un gros reproche souvent répété à l'encontre du film était son humour difficilement accessible aux gosses. Alors franchement je sais pas si vous avez bourré vos gamins à la ritaline, mais chez moi, ils se sont bien marrés. Pas vraiment aux blagues d'Astier hein... Aux blagues "Pixar" et autres trouvailles visuelles. D'ailleurs, l'humour à la Astier est pas si présent que ça.
Maintenant le gros du sujet : le fond. Profiter d'adapter le domaine des Dieux pour faire un joli croche-nez au système consumériste, pourquoi pas. On peut même flirter sans vergogne avec des enjeux sociaux (Bourdieu serait content) et le film ne se gêne pas. Astier tape dans le spectacle de la violence, l'élitisme, l'intégrité, la tradition, la migration familiale (texto), la bureaucratie, la démocratie, la lutte des classes etc. en moins de 1h30 ! Et il y a une BD adaptée plus ou moins fidèlement derrière tout ça ! Résultat, c'est la grande classe de parvenir à placer autant de thèmes à la fois, mais sur un temps si court et aussi entravé par les fidélités à la BD, ça devient vite surchargé (et ça explique aussi beaucoup le rythme qui tire à boulet rouge sur nos esprits).
Bref, pour ses ambitions, le film méritait amplement de durer une bonne demi-heure supplémentaire, ne serait-ce que pour nous laisser profiter vraiment de ses thèmes de fond (voir les Gaulois devenir Romain, c'est splendide ! Mais ça se passe sur moins de 10 minutes dont 3 sont appuyée par une musique cartoonesque moderne).
Un film qui a un paquet de choses à dire mais qui manque cruellement de temps pour s'exprimer.