Astérix est l’une des franchises les plus puissantes pour moi sur le plan de la nostalgie et Alexandre Astier est l’un des auteurs dans le milieu du cinéma français que j’apprécie le plus, la rencontre des 2 fut pour moi la promesse d’un de mes films d’animation préférés. Et non son rôle très secondaire dans le film Astérix aux JO ne compte pas ! Si on ajoute à cela le fait que le co-réalisateur Louis Clichy a travaillé en tant qu’animateur sur Wall-E, mon film d’animation préféré, j’ai presque l’impression que le film est fait pour moi. De plus, le précédent film d’animation Astérix et les vikings datait déjà de 8 ans, il était donc grand temps pour nos gaulois animés de faire leur retour.


Il s’agit d’une adaptation assez fidèle d’une bande dessinée précise : Le domaine des Dieux, celle où César tente d’éradiquer le village gaulois en essayant de l’intégrer à la culture romaine. Alexandre Astier, en charge de l’écriture, a choisi cet album en raison de ses nombreuses thématiques (acculturation, urbanisation, tourisme, cupidité...) et il ne s’est clairement pas contenter de les respecter, il les a aussi développer. Par exemple, le personnage inédit du sénateur romain permet d’étendre un peu plus ce ton délicieusement satirique de la société en y incluant le statut du politicien, bien distinct de celui de Jules César.


J’aime beaucoup le rôle d’orateur manipulateur qui lui a été attribué auprès des esclaves pour une critique finalement assez osée et un parallèle entre le statut d’esclave à proprement parler et celui de travailleur libre finalement tout aussi opprimé. Et ce n’est pas la seule occasion où le récit prendra le temps dans cette nouvelle version de développer ses propos critiques. L’extension de la séquence du cirque par exemple lui permet de mentionner brièvement mais efficacement la publicité très présente alors que manifestement ridicule, l’exposition des jeunes à la violence du fait des divertissements que regardent leurs parents sans s’en préoccuper…


La nouvelle méthode de résolution de l’intrigue reposant sur le cours d’une rivière permet de renforcer par la mise en scène le message sur la nature reprenant ses droits sur la civilisation urbaine. C’est très bref certes, mais dans un long-métrage aussi rythmé et avec un temps de proposition d’écriture inédite assez court, je pense que ces détails sont à souligner et que ça témoigne bien de cette volonté de s’inscrire pleinement dans les intentions des auteurs originaux de pointer du doigt la domination culturelle comme risque majeur, bien que subtil, de perte d’identité.


L’adaptation est très fidèle dans l’ensemble avec un même schéma narratif à peu de choses près. On a ainsi quelques variations ici et là très discrètes, comme quelques jeux de mots qui changent par rapport à la bande dessinée mais qui en gardent bien l’état d’esprit, des noms humoristiques de personnages pour des références plus contemporaines... Néanmoins, le domaine des dieux n’étant qu’une seule bande-dessinée à l’origine, un certain nombre d’éléments ont été rajoutés et cela principalement en deuxième moitié du film. Le plan visant à romaniser les gaulois se poursuit plus longuement et approche davantage les chances de réussite pour un ressort dramatique un peu plus important.


Cela permet d’ailleurs de rendre l’aventure un peu plus intense sans non plus risquer de devenir malaisant ou trop anxiogène pour les plus jeunes comme avait pu le devenir à mon sens la surprise de César en son temps. La mise en danger des personnages est ici moins appuyée, aussi grâce au parti pris de base du scénario adapté pour une victoire romaine quasi non-violente. On profite ainsi d’un beau morceau de bravoure bien amené dans l’acte final pour conclure l’intrigue de façon plus spectaculaire que dans la BD qui se contente d’un gag pour cela.


L’ajout d’Apeldjus permet évidemment le personnage auquel les plus jeunes pourront s’identifier avec un arc narratif certes très classique mais tout à fait approprié de l’enfant à la recherche d’un héros à idéaliser pour finalement mieux se rapprocher de ses parents. Le rôle n’a été survolé du tout, il se rend utile à l’évolution du récit, il est le centre de gags inédits modernes comme quand il semble contrôler la course d’Obélix par ses nattes... Certes, il n’y a rien de formidablement original là-dedans mais je pense que ce personnage d'enfant est un ajout très plaisant qui permet aussi de conférer des rôles positifs à des romains, ce qui est vraiment le bienvenu à mon sens.


Il y a de très rares choix d’adaptation très secondaires que je ne trouve pas toujours pertinents pour être honnête, comme le personnage de duplicata qui avait un rôle que je trouvais plus intéressant avec le petit twist final le concernant dans la bande-dessinée. Là, il est davantage un comique de répétition, reposant sur son caractère excessivement verbeux, qui est tout à fait plaisant mais sans plus. La fin de la bande-dessinée est également un peu plus mature avec la question d’Astérix sur l’avenir du village et la réponse finalement fataliste de Panoramix, là où ce film d’animation se conclue avec plus de naïveté.


Par ailleurs, le fan de Kaamelott que je suis est bien content de voir des échos à ce travail, notamment avec ce rôle tenu par Alexandre Astier de centurion blasé menant ses troupes gentiment idiotes et relous comme il pouvait le faire avec beaucoup d’humour dans sa fameuse série TV. Et puis ça se mêle à plein de références aussi discrètes qu’amusantes à plein d’œuvres différentes, Obélix voit un romain comme un sanglier parce qu’il a faim comme Haddock voit Tintin en bouteille de champagne parce qu’il a soif, Obélix pousse un cri animal en grimpant à un immeuble tel King Kong, Panoramix crie vous ne passerez pas tel Gandalf dans le seigneur des anneaux...


Le casting vocal est absolument incroyable avec des doubleurs emblématiques de la franchise comme Roger Carel pour Astérix dont ça sera la dernière interprétation, des acteurs et doubleurs majeurs comme Lorànt Deutsch ou Laurent Lafitte, et des acteurs récurrents et guests de Kammelott que j’adore personnellement. D’ailleurs, Alexandre Astier a su quand même attribuer aux acteurs de Kaamelott manquant d’expérience dans le doublage les rôles les plus secondaires mais aussi sur mesure afin d’équilibrer tout ça, je pense que c’était le meilleur choix qu’il pouvait faire.


La 3D parfaitement assumée est également parfaitement maîtrisée, y compris pour les rendus les plus délicats tels que la fourrure d’Idéfix, les petits remous à la surface de la rivière, la gestion de la fumée lors des attroupements, les petites animations d’une vaste foule... Le budget très élevée pour un film d’animation français de 30 millions d’euros n’y est pas pour rien mais ça fait plaisir de voir un Astérix avec une bonne machine de production derrière sans que ça ne parte en vrille comme pour certains films live aux budgets souvent faramineux. Par ailleurs, le générique du film permet tout de même un petit rappel à la 2D des plus sympathiques et également parfaitement maîtrisée.


Le montage surdécoupé pour alterner les séquences de jour et de nuit lors de la séquence d’arrachage et de replantage des arbres, le clip musical pour que s’enchaînent des gags sans le moindre dialogue ni perturber le rythme, le cut sur cut pour insister sur la succession de tentatives infructueuses d’ouvrir la porte du domaine… constituent quelques exercices de style assez intéressants pour transposer la BD en profitant a minima des possibilités offertes par l’animation. Mais bien sûr comme ce n’est pas une histoire originale pensée pour l’animation et que c’est un premier film d’animation pour l’un comme pour l’autre des réalisateurs, ce n’est pas là que le film se démarquera le plus, ce à quoi on pouvait s’attendre.


Sur sa collaboration avec Louis Clichy, Alexandre Astier s’exprime avec beaucoup de franchise ainsi :



Louis Clichy est une tronche en animation alors que moi je suis beaucoup plus pointilleux sur l’écriture et le rythme. Résultat : on n’a pas arrêté de se friter du début à la fin pour arriver à un résultat auquel ni lui ni moi n’aurions pu arriver seul.



Réussissant le meilleur box-office pour un film d’animation Astérix à sa sortie et très bien reçu par la majorité des spectateurs et des critiques, Le domaine des Dieux est une très belle et solide réussite. Sa réalisation toute en 3D s’inscrit parmi les productions les mieux travaillées du cinéma français de son époque, le respect et le développement des thématiques de l’album me sont très appréciables, le casting vocal me séduit à tout niveau, ,les choix d’adaptation me semblent pertinents pour la quasi-totalité d’entre eux...

damon8671
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le 6 nov. 2020

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damon8671

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