A lire sur Cinématraque


[...]


Si Atomic Blonde dernier est attendu au tournant, ce n’est pas tant pour Charlize Theron ou pour voir de quoi est capable Leitch, mais pour savoir si le cinéma d’action américain est enfin capable de nous clouer au siège de nouveau. On a pu voir à quel point Deadpool (2016) était incapable d’embrasser pleinement la violence de son personnage, préférant en faire un ado dégénéré en quête de vengeance adolescente. Et c’est - comme c’est étonnant - John Wick 2 qui cette année tire son épingle du jeu en offrant un écrin méta à un personnage et à un acteur qui nous avait trop manqué. Atomic Blonde n’est pas loin d’être aussi réussi, le problème de David Leitch étant qu’il possède un terreau fertile et reste à la surface, se concentrant avant tout sur le plaisir visuel que l’ensemble de l’univers qu’il tente malgré tout de dépeindre à grands renforts de nostalgie. On distinguait déjà cette dualité dans le premier John Wick, où Stahelski semblait très impliqué dans les gunfights quand Leitch influait probablement un peu sur le visuel, notamment lors de la scène du night-club, très semblable à la photographie tout en néons d’Atomic Blonde. Aujourd’hui seul, Leitch n’hésite jamais à rendre ses séquences de baston attrayantes, cadrées largement et souvent par des jeux de contrastes, tout comme il semble préférer le combat à mains nues et l’improvisation aux armes (en témoigne le combat avec un tuyau d’arrosage). Il en est par contre autrement lorsqu’il essaie de caractériser ses personnages.


[...] On peut d’ores et déjà mettre en évidence la faiblesse du synopsis, quand on réalise amèrement que le récit est une succession de flashbacks entre l’interrogatoire et la narration des événements, brisant le rythme d’un film qui devrait constamment être sur des charbons ardents. Si ces séquences d’interrogatoire sont parfois sympathiques (un cut après une scène lesbienne provoque une belle pointe d’humour), elles sont aussi un moyen trop facile pour les scénaristes de brouiller les pistes d’un film faussement complexe, où tous les agents seraient doubles, triples voire plus. Qui a la liste, qui a trahi, dans quel but tel personnage agit ? Tout cela est finalement peu intéressant et nuit clairement à l’ensemble qui ne permet pas aux personnages d’être incarnés, trop obnubilés par un scénario qui les fera toujours agir d’une manière inopportune ou surprenante. [...]


Pour autant Atomic Blonde n’est pas un échec, bien au contraire. Si les décors et la dimension politique de la Guerre Froide sont mis de côté, cela a l’avantage d’aller avec le rythme de l’ensemble. Durant sa première heure, les événements s'accélèrent à mesure que le mur de Berlin risque de s’écrouler, et les scènes d’action de s’intensifier avant finalement d’exploser dans un plan séquence d’une dizaine de minutes, qui repousse tout ce qui été réalisé depuis plusieurs années. Très simplement, cette seule séquence, qui oppose Charlize Theron à cinq autres personnes, mérite le déplacement. De la chorégraphie à l’absence de musique, c’est là que toute la puissance cathartique du film s’exprime afin que le spectateur exulte. Les corps saignent, titubent, se battent jusqu’à en mourir et ce par tous les moyens, avant que le tout ne s’arrête dans un grand fracas. Toute la force d’Atomic Blonde s’exprime dans la qualité de technicien de David Leitch, qui laisse libre cours à ses coordinateurs pour concevoir des combats dantesques et euphorisants (excepté le dernier, qui démontre que Leitch n’est pas le meilleur avec les armes). Mise en scène et photographie sont en symbiose pour permettre au réalisateur de faire de Charlize Theron une icône, érotique et cruelle, libre jusque dans ce qu’elle est aux yeux des hommes. On espère alors que Deadpool 2 que Leitch réalise en ce moment même (et dont le tournage a tragiquement vu la perte d’une cascadeuse) nous offrira plus de caractérisation sans oublier pour autant le plaisir de l’action.

Florian_Bodin
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Année 2017 - Cinéma et Le meilleur du cinéma en 2017

Créée

le 18 août 2017

Critique lue 321 fois

1 j'aime

1 commentaire

Florian Bodin

Écrit par

Critique lue 321 fois

1
1

D'autres avis sur Atomic Blonde

Atomic Blonde
Mia_Landa
8

"Oh putain, j'adore Berlin"

Atomic Blonde, qu'on décrit comme l'homologue féminin de James Bond ou encore comme celui de Jason Bourne, est non seulement digne de ce titre, mais s'en démarque considérablement. Il s'inscrit dans...

le 17 août 2017

38 j'aime

10

Atomic Blonde
Behind_the_Mask
7

Live & let die in Berlin

Atomic Blonde sera sans doute plus d'une fois comparé à John Wick, dont il semble à première vue en constituer le pendant féminin. Tout d'abord parce que sa réalisation a été exécutée par une moitié...

le 17 août 2017

37 j'aime

8

Atomic Blonde
Albiche
6

Atomic Bomb

Atomic Blonde fait partie de ces films de 2017 que je n'attendais pas spécialement mais qui s'est avéré être l'une des meilleures surprises de l'année pour moi. Après avoir vu la bande-annonce...

le 19 août 2017

32 j'aime

12

Du même critique

A Ghost Story
Florian_Bodin
10

Laisser sa trace

A lire sur Cinématraque Nous avons tous perdu l’être aimé, dans la mort ou dans la rupture. Quand un couple se divise, ce n’est pas simplement une relation qui s’arrête, mais tout ce qu’elle a...

le 4 sept. 2017

22 j'aime

6

Monuments Men
Florian_Bodin
4

Art mineur

Depuis plus de cinquante ans, les films sur la guerre sont présents dans l'histoire du cinéma. Justement parce qu'ils servent, en général, à juger, critiquer, remettre dans un contexte ou même...

le 12 mars 2014

22 j'aime

Vanilla Sky
Florian_Bodin
9

The little things

Ce n’est pas si souvent qu’un remake soit pertinent et intelligent. Et qu’il soit en plus si bien pensé qu’il arrive à rester encore dans un coin de notre esprit quelques jours après le visionnage...

le 29 janv. 2014

19 j'aime

1