Attenberg c'est l'exemple même du film qui a traîné sur mon disque dur pendant un an et demi et auquel j'aurais du m'intéresser bien plus tôt. Au début on est un peu perplexe, on pense à Canine - il y a un sens du burlesque froid très similaire, une façon de filmer l'absurdité avec un détachement particulier (d'ailleurs, ne pourrait-on pas commencer à parler d'un nouveau courant dans le cinéma grec?), et puis rapidement on se prend au jeu - à cet éveil étrange et déroutant de cette vierge de 23 ans un peu gauche et autiste aux autres, à la sexualité, à la vie. Où s'y entremêlent répulsion et fascination, joie et mélancolie, vie et mort. C'est dénué de cynisme tout en émettant discrètement une critique de notre temps - comme le souligne en une phrase le personnage du père, dans sa non-nostalgie d'un XXème siècle maladif.

Ariane Labed est fantastique: véritable révélation, elle dégage un charme et une présence inédite et animale (et la femme étant trilingue, on ne peut que lui souhaiter une grande carrière). A l'image des documentaires de Peter Attenborough qu'elle regarde sans cesse. Le film est aussi doux qu'il est dur. Dans son propos comme dans son résultat final. Métaphore de cette cité côtière et industrielle triste et blanche. C'est un film exigent sans l'être, joyeusement mélancolique, et il faut juste accepter d'y rentrer, et de se laisser porter par les évènements - aussi irrationnels soient-ils (quid de ces entractes chorégraphiées par les deux amies aux robes jumelles?). Pourquoi chercher un sens là où la vie même en reste dénuée? C'est là toute la force d'Attenberg. Le presque-suicide d'une société. Entre deux chansons de Françoise Hardy et un premier baiser.
oswaldwittower
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Bizarreries pelliculaires, ★ TOP 150 ★ et Les meilleures pépites méconnues du cinéma

Créée

le 26 avr. 2013

Critique lue 402 fois

1 j'aime

oswaldwittower

Écrit par

Critique lue 402 fois

1

D'autres avis sur Attenberg

Attenberg
SlashersHouse
7

Bonjour, bourgeois.

On attendait avec impatience cet curieuse bobine qui avait pas mal fait parler d'elle lors du festival de Venise, et pour cause, on nage en plein dans l'absurdité et l'excentricité, qui se mêlent à...

le 10 sept. 2011

12 j'aime

Attenberg
Ed-Wood
8

Le grotesque et la mort.

C’est une comédie. Une comédie grinçante comme on en voit habituellement chez nos amis du nord de l’Europe. Les habitués du cinéma belge ou scandinave ne seront donc pas dépaysés, pour les autres le...

le 3 oct. 2012

8 j'aime

1

Attenberg
Trelkovsky-
3

Une certaine idée du néant

En voyant "Attenberg", on se dit qu'il est impossible de ne pas penser au passionnant "Canine" : cette austérité absolue, cette rigoureuse géométrie qui vient habiter chaque plan, et surtout cette...

le 5 janv. 2013

6 j'aime

1

Du même critique

It’s Album Time
oswaldwittower
8

Todd mon amour.

Todd Terje c’est avant tout « Inspector Norse », fulgurance disco-électrique à la mélancolie sous-jacente (et au clip²foufurieux). Une sorte de morceau festif définitif qui fait ici office d’épilogue...

le 27 mars 2014

22 j'aime

Ratcatcher
oswaldwittower
7

Glasgow : du dépotoir à la lune.

Douze ans avant le génial We Need To Talk About Kevin, la rare Lynne Ramsay réalisait son premier long-métrage : Ratcatcher, divagations poético-morbides d'un gamin de 12 ans ayant commis le pire...

le 15 avr. 2013

21 j'aime

Stranger Than Paradise
oswaldwittower
8

La mort du rêve américain.

Une succession de plans séquences fixes, articulés en trois chapitres, filmés dans un noir et blanc profond et contrasté. Dans une Amérique miteuse et morose, trois personnages qui s'ennuient se...

le 16 août 2013

19 j'aime