Critique : Au bout du conte (par Cineshow.fr)

L’affiche l’écrit de manière plus importante que le titre du film lui-même. Le nouveau Jaoui et Bacri, une marque de fabrique à elle seule et l’argument de vente principal de Au Bout Du Conte, nouvelle collaboration du duo jadis couple qui revient 5 ans après Parlez-moi de la pluie dans les salles obscures. Cette histoire écrite à quatre mains mais réalisée par Agnès Jaoui seule est une mise en images moderne des pivots narratifs des contes pour enfants, ceux qui par leurs histoires sondent notre psychée de la manière la plus profonde qui soit. Une volonté qui se retrouve traduite jusque dans l’image avec un patchwork de fresques numériques qui introduisent chaque nouvelle séquence du film et qui lui confèrent une dimension irréelle malgré l’emprunte directe avec les problèmes du quotidien.

Pêle mêle, Agnès Jaoui évoque la question de la peur de la mort à travers le personage de Bacri, l’amour naissant et les pièges de la vie à travers Agathe Bonitzer et Benjamin Bioley, l’errance et une forme de parcours initiatique avec Arthur Dupont et enfin les croyances diverses via le personnage de Jaoui (en l’énergie psychique mais aussi simplement en son rêve de devenir une grande comédienne). Film choral par excellence qui alterne entre les personnages de deux familles réunies par le couple naissant Bonitzer-Dupont, Au bout du conte confirme que le virage entreprit avec Parlez-moi de la pluie n’était pas un accident, mais bien une confirmation du renouveau du cinéma des deux auteurs. Les considérations de gauche un peu moralisatrices (quoi que souvent bien vues) semblent désormais bien éloignées, la place est aujourd’hui totalement laissée à l’analyse des personnages et par extension de la vie sans jugement, mais en jouant de situations du quotidien pour en faire ressortir les ressorts comiques. Jaoui et Bacri ont ce talent de signer des personnages de la vie courante écrits avec une précision chirurgicale, une capacité une nouvelle fois exacerbée à travers le casting d’une justesse de chaque instant sous la direction de la réalisatrice.

De scène en scène multipliant les références aux contes auxquelles elles font références, de manière plus ou moins subtiles (le costume rouge d’Agathe Bonitzer, le grand méchant loup prénommé Wolf -enfonçons le clou-, les références à Faust par le début des paroles de l’Opéra éponyme…), le film suit une progression narrative classique mais systématiquement ponctué de fulgurances dans les dialogues. Des répliques qui déclenchent à de très nombreuses reprises l’hilarité collective soudaine, des éclats de rire que l’on doit le plus souvent au personnage de Bacri, particulièrement aigri car plombé par la hantise de sa mort planant comme une épée de Damoclès pendant toutes la durée du métrage. Les bonnes idées d’Au Bout du Conte ne manquent pas, que ce soit dans l’histoire ou la manière de la représenter, parsemée de mini-séquences prenant parfois quasiment la forme de sketchs (cf les cours de conduite d’Agnès Jaoui sous le tuteurât de Bacri – des instants réellement jouissifs).

Tout ici est volontairement grossi, étiré, comme dans les contes, et c’est finalement pour cela que l’entreprise fonctionne aussi bien. Au delà de peindre une toile pas si éloignée que ça de notre société ou en tout cas, d’instants de vie bien réels, Au bout du conte a cette légèreté salvatrice qui en fait une comédie vraiment drôle avant d’être une quelconque satire sociale. Et même si certaines critiques tentent de sur-intelectualiser le propos des auteurs, il ne faut jamais perdre à l’esprit que ce nouveau film de Jaoui arrive à réunir un public extrêmement large qui y trouvera forcément son compte par la multitude des éléments accrocheur du films.

La recette n’a foncièrement rien de bien nouveau, mais le parti artistique cohérent et maintenu tout au long du métrage apporte ce petit “truc” en plus qui aide à plonger les yeux fermés dans ces histoires de personnages un peu comme tout le monde et très attachants, malgré leur petits défauts ostentatoires. On est évidemment bien loin de la franche beauferie des Turfs ou de Vive la France alors si Au bout du conte pouvait leur faire un beau pied de nez en générant plus d’entrées, cela fera un sacré bon argument pour croire à nouveau dans la comédie française bien malmenée ces derniers temps.
mcrucq
6
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le 11 mars 2013

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Mathieu  CRUCQ

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