Au-delà est l'histoire de trois personnages hantés par la mort et les interrogations qu'elle soulève. George est un Américain d'origine modeste, affecté d'un "don" de voyance qui pèse sur lui comme une malédiction. Marie, journaliste française, est confrontée à une expérience de mort imminente, et en a été durablement bouleversée, quant à Marcus, un jeune garçon de Londres, il perd l'être qui lui était le plus cher et le plus indispensable, son jumeau, et se met désespérément en quête de réponses à ses interrogations. George, Marie et Marcus sont guidés par le même besoin de savoir et la même quête, si bien que leurs destinées vont finir par se croiser dans cette tentative qui les anime de répondre, autant que faire se peut, au mystère de l'Au-delà.

Nous aurions tant aimé nous enthousiasmer de l'audace de Clint à s'aventurer dans un nouvelle voie, mais voilà c'est raté, le film se perdant dans les dédales d'une quête ésotérique insuffisamment crédible et un narratif flou qui perd pied et finit, comme le tsunami, magnifiquement filmé au tout début, par noyer les personnages, leurs propos et, par voie de conséquence, le spectateur. Nous sommes loin de ces opus si réussis que furent Sur la route de Madison ou Gran Torino, où Clint, très à l'aise à traiter des sujets qui lui correspondaient, et pour lesquels il avait longuement mûri sa réflexion, nous avait offert des ouvrages cousus main et d'une grande force suggestive. Là, il semble bien qu'il se soit attaqué à gravir une montagne dont il ignorait les secrets et dont les sommets inaccessibles restent cachés dans les brumes. Oui, Eastwood a surestimé ses capacités et ne nous offre qu'un film long, ennuyeux, et aussi peu convaincant que possible. Tout le monde ne s'appelle pas Carl Dreyer, Ingmar Bergman ou Robert Bresson qui savaient, avec un art consommé de la suggestion, aborder les conflits de l'âme face aux questions primordiales : d'où venons-nous et où allons-nous ? Il faut, pour ce faire, user des moyens minimums, du plus grand dépouillement et de la plus extrême simplicité, afin de parvenir à exprimer le maximum de choses et atteindre l'essentiel. Le contraire des effets recherchés ici par le réalisateur qui emploie les techniques les plus pointues et les ressources les plus sophistiquées de la cinématographie. Oui, les thèmes qui touchent de près ou de loin au monde invisible doivent être abordés avec infiniment de prudence, de façon à éviter d'argumenter dans le vide et de tenter de démontrer ce qui est indémontrable, en se limitant à approcher le mystère et à poser l'interrogation. Cela ne relève que de la foi ou de l'espérance intérieure, démarche totalement opposée à celle de Clint qui s'échine à réduire à quelques arguments pseudo-scientifiques une vie après la mort, supposée inscrite d'ores et déjà dans nos gênes. Dommage ! Il y a de sa part une tentation d'orgueil et une maladresse à employer les moyens les plus contraires à ce genre de sujet et à s'embourber dans un démonstratif qui va à l'encontre de ce que l'on veut démontrer.

Preuve en est que les personnages ne parviennent pas à être le moins du monde probants. Même Matt Damon, pourtant excellent acteur, et Cécile de France semblent se demander ce qu'ils ont à prouver et bavardent là où il serait infiniment préférable de se taire. C'est par l'image que le 7e Art se doit de convaincre, non par les mots qui eux relèvent de la littérature ou de l'art dramatique. Et c'est d'autant plus fâcheux, que Clint connait parfaitement l'art de la mise en scène, que son ouverture avec l'irruption du tsunami est parfaitement réussie ; de même qu'il sait mieux que quiconque brosser des tableaux évocateurs et qu'il lui aurait été plus facile de convaincre s'il s'était contenté de suggérer au lieu de dogmatiser un tant soit peu sur ce qui n'est pas vérifiable. On ne peut néanmoins en vouloir à un homme aussi talentueux de se tromper. Ce film a le mérite de nous rassurer sur sa curiosité d'esprit, son souci de s'engager sur les pistes les plus hasardeuses, de sonder la mort avec les yeux d'un vivant et de fouiller avec sa caméra au-delà du dicible..
abarguillet
6
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le 1 déc. 2013

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abarguillet

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