Le nouvelle cuvée de Quentin Dupieux est arrivée ! Plus connu sous le nom de "Mr Oizo" dans le monde de l'électro , Dupieux a su développer un style qui n'appartient qu'à lui jouant notamment avec la déconstruction des fils narratifs traditionnels. Après le génial Réalité qui avait marqué les esprits, Au poste continue sur cette lancée.
Le film commence par une séquence tout à fait surprenante et Ubuesque : un homme moustachu en slip dirigeant un orchestre symphonique jouant du Mozart dans un champs ; d'emblée Dupieux nous embarque dans le non sens le plus complet (cette scène fait d'ailleurs clairement penser à la séquence d'ouverture de Steak avec encore un moustachu à bord d'une jeep militaire) .Ce personnage n'aura de lien avec l'intrigue que de se faire entraîner au fameux "poste" sans aucune raison expliquée. Le pitch est en apparence modeste : un suspect, un commissaire , un meurtre . Mais tout fan du cinéma de Dupieux sait très bien que cela va partir dans quelque chose de beaucoup plus tordu . Cependant , "Au poste" est son film qui se rapproche plus d'un quotidien banal là où un film comme Wrong nous embarquait dans un Los Angeles fantasmagorique, hors du temps. À partir de là, Dupieux dévoile les talents de conteur de ses personnages. À chaque réplique , le spectateur se demande ce qui conforme au réel ou non. Fugain (génialement joué par le lunaire Gregoire Ludig) narre toutes sortes de scénettes abracadabrantesques , le spectateur ne sachant pas s'il raconte cela pour paraître crédible ou s'il a juste envie de sortir le plus tôt possible. Cet homme ,à l’attitude un peu "je-m'en-foutiste" et dont la seule idée en tête est de manger, incarne le côté terre à terre du film et représente un peu le spectateur perdu et désorienté . Poelvoorde (toujours aussi talentueux lorsqu'il est bien dirigé ) joue un flic incompétent et paresseux un peu similaire aux flics salauds de Wrong Cops. Un de ses collègues est interprété par le magnifique Monsieur Fraize ( découvert en "Doudou" dans l'hilarant Problemos d'Eric Judor) qui montre une folie à la fois douce et angoissante .Ce mec a une maîtrise du burlesque totalement renversante et est une des meilleurs découvertes comiques récentes. Avec son attitude de grand enfant un peu idiot mais aussi menaçant, il vole presque la vedette à ses camarades le temps de quelques scènes.
Le film est un huis clos (une première dans son cinéma) et Dupieux sait très bien utilisé son espace grâce à une mise-en-scène parfaitement millimétrée. Il déploie une quantité de gags tous aussi absurdes les uns les autres à base de lancers d'agrafeuse ,d'équerre ou d'huitre. Mais le film repose surtout sur les dialogues en s'amusant notamment avec des tics de langages tels que "C'est pour ça " répétés sans cesse par les personnages de Marc Fraize et de la merveilleuse Anais Demoustier ( affublée d'une perruque et d'un accent ch'ti pour l'occasion). Toute cette équipe d'acteurs incarnent leur personnage de façon très premier degrés en lâchant leurs dialogues sans aucune gimmicks , ce qui est vraiment bienvenue dans le cinéma Français actuel.
On retrouve encore un aspect vertigineux hérité de Réalité qui nous avait porté dans une spirale cauchemardesque et absurde en jouant notamment sur l'illusion de la rêverie. On a ici certains personnages qui viennent surgir dans les souvenirs de ce pauvre Fugain ( on se rappelle notamment de l'apparition surréelle de Fraize dans la TV de Fugain avec en fond un programme "animalier") . La fin du film ( le "coup de théâtre") est aussi très représentative de cela avec une mise en abyme stupéfiante et inattendue.Quentin Dupieux est vraiment doué pour jouer avec le spectateur ,le perdre et l'interroger
Au Poste* est donc une bouffée d'air frais dans le paysage de la comédie Française actuelle. Une comédie hilarante , intelligente , perchée et inclassable.