J’imagine que le parallèle a déjà été fait plusieurs fois tant c’est flagrant donc je ne vais pas faire original, Au revoir l’été évoque ouvertement Rohmer. Et Fukada le revendique. Autant dans le choix de ce format carré que dans son rapport plastique aux éléments. L’image pourrait être fait par un Nestor Almendros, sans forcer. Eléments techniques auxquels on peut adjoindre une connivence de fond, puisque Fukada comme Rohmer, s’intéresse, dans une temporalité restreinte (racontée sous la forme d’un journal intime durant une semaine de vacances ; Rohmer n’est pas loin encore) aux pérégrinations d’une jeune lycéenne, venue passer quelques jours chez sa tante, dans son village natal, pour réviser son examen à venir. Sakuko ressemble beaucoup à Pauline (de Pauline à la plage) dans sa capacité de détachement et d’observation. Le film entrelace donc les relations, naissantes ou ressuscitées, qui se nouent autour d’elle. Surtout il est un beau voyage dans un apaisant Japon, ses rivières émeraude, ses plages, ses ballades à vélo. Il y a une douceur et une grâce qui s’en échappe en permanence parce que Fukada est un cinéaste patient, il laisse les lieux respirer, les séquences s’étirer, les silences dominer. Et parce qu’il filme cet anodin magnifique cher au cinéma rohmérien. Peu de marivaudage chez lui ou s’il en est complètement évasif, ses personnages ne sont pas ballottés dans une bulle de séduction fermée mais existent aussi au travers de la société japonaise, dont le film révèle, par touches subtiles, les dérives et les drames ; Une noirceur inattendue comme ici dans ce pathétique relais de passes, dans le love hôtel glauque tenu par l’oncle de Takashi. Ou là dans l’évocation dominante des conséquences de Fukushima, Takashi étant un réfugié de la catastrophe nucléaire. Raillé par certains de ses camarades, il a préféré arrêter l’école et travailler auprès de son oncle. Il y a cette séquence terrible où le jeune garçon est embarqué, par une jeune demoiselle qui l’avait dragué, dans une manif anti nucléaire pour témoigner contre sa volonté. Il y a cette malveillance en sourdine qui rend le film beaucoup plus âpre qu’il ne laisse d’abord croire. Car si son enveloppe est très douce, très solaire, en profondeur le film n’est pas tendre avec son pays.

JanosValuska
7
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le 7 juil. 2016

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