Film vu en présence d' Albert Dupontel ( quelle chance)
Albert Dupontel est un magicien, un artiste comment on en voit rarement, débordant d'intelligence et de finesse. Un être pétri d'humanité et d'humanisme, un observateur cinglant les affres de la société humaine, un clown triste bombardant nos travers sans aucun filtre. Une sensibilité exacerbée, un fin esprit politique, un de ces personnages utiles pour éclairer les foules à la vanité de notre système. Son dernier film, Au revoir là-haut adapté du best -seller de Pierre Lemaître apporte la preuve magistrale des formidables atouts du grand bonhomme cités plus haut. A la base, on aurait pu avoir de sérieux doutes sur l'entreprise et sur les chances de réussite tant Albert peut-être parfois clivant dans ses choix et corrosif et tranchant ce qui ne plaît pas toujours aux masses cuculteuses. Mais le doute n'est plus permis : Dupontel a mis de l'eau dans son vin de génie et nous sert une oeuvre dantesque mais toute en nuances au niveau de l'émotion, de l'humour, de l’histoire. Point de farce obscène, point de scène trop hard ni de scène dérangeante, tout est calibré avec juste mesure, les effets ne sont là que pour aider l'ensemble à resplendir. Bien sûr l'histoire est alimentée par le formidable roman de Lemaître mais encore fallait-il créer quelque chose de ce Goncourt sans le dénaturer et sans le copier-coller. Dupontel a réussi son pari. Son film respire la grâce, la fraîcheur et la poésie tant il nous transporte tout le long sans quasiment aucun moment faible. Il est bourré de fines trouvailles comme par exemple l’ajout de grain à l'image pour symboliser la patine du temps. La première scène est mirifique, filmée par un drone elle nous présente les protagonistes de façon parfaite. Tout est soigneusement étudié pour magnifier l'histoire, notamment je me rappelle des doutes du personnage Maillard dans la glace avant sa demande en mariage (le miroir renvoie deux images une claire, une sombre). Pas question pour moi de dévoiler le scénario car il est multiple en rebondissements mais sachez que Dupontel (même s'il ne suit pas à la lettre le bouquin) a habilement construit son film du début à la fin. Ce qui compte pour lui c’est de nous renvoyer notre société actuelle dans la figure en utilisant avec subtilité une fiction du passé. Peut-être un petit bémol avec la voix off utilisée trop longtemps à mon goût sans que cela n'apporte du sens supplémentaire à l'histoire. Que dire des acteurs ? Ils sont faramineux. Mr Laurent Laffite l'empoté des Petits Mouchoirs se révèle un énorme acteur au firmament, campant un salaud magnifique. Il déploie un talent inouï entrant sans vergogne dans l'horrible personnage. Rarement vu une telle osmose entre le personnage et l’acteur, on y croit à fond, quelle audace diabolique ! Quant à Arestrup il est comme d’ habitude excellent, c’est le maître, il est extraordinaire de justesse et de maîtrise, un pur régal, un nectar des acteurs de cette trempe ! Et ça nous renvoie au talent incommensurable de l’ami Albert capable de diriger des acteurs avec une telle précision d’orfèvre. Les autres acteurs apportent chacun leur pierre au bel édifice même si les rôles féminins ne sont pas fondamentaux. La couleur et la musique du film participent aussi grandement au résultat final. AD a su parfaitement traduire les doutes et les troubles de l’histoire de la fin de la première guerre mondiale avec ses tons ocre, parfois jaunâtres et cette photographie grainée singeant les clichés du temps jadis. L’humour est aussi présent, parfois grinçant à la Dupontel évidemment pour nous éviter les lourdeurs d’une histoire parfois un peu tristounette.
En résumé, peu de points faibles dans ce film qui nous laisse pantois et heureux à la fois. Envie de découvrir aussi le livre de Lemaître… Dupontel signe un petit bijou d’émotion de de sensations, un film à recommander chaudement. Sortie officielle le 25 octobre.
Ma note : 4.5/5

Créée

le 5 oct. 2017

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