J'ai été submergé par tant d'émotions que mettre de simples mots les uns après les autres pour qualifier ce film - sans passer des heures à ouvertement le glorifier - s'avère compliqué. Ce que je peux par contre évoquer en préambule est que j'aime...non...que je voue un amour inextinguible à ce cinéma. Je suis amoureux du partage dans une œuvre, lorsqu'on communique avec moi de personne à personne pour m'emmener aux frontières de ma réalité. Le chef d'œuvre est à mon sens celui qui bouleverse sans chercher à provoquer cet effet. En d'autres termes, la véritable qualité ne saurait être celle qu'on exhibe mais bel et bien celle qu'on découvre peu à peu. Avec Au revoir là-haut, j'ai pu constater à quel point l'homme aime à se raconter des histoires et ce, depuis qu'il communique avec son auditoire.


De l'histoire, avant de la découvrir avec le plus vif des intérêts en salle, je ne connaissais pour ainsi dire rien. Le contenu du livre de Lemaître m'était inconnu et la bande annonce donnait à voir une sorte d'ovni délirant. Autant dire que j'y allais à l'aveugle. Et, bon sang, quelle claque ! Dupontel est un homme formidable, pour sûr, que ce soit devant ou derrière la caméra.


Avant d'aller plus loin dans la réflexion et la critique élogieuse, revenons quelque peu, si vous le voulez bien, sur le synopsis. Débutant à la toute fin de la première Guerre Mondiale, nous suivons les péripéties sous forme de conte tantôt fantastique, tantôt philosophique, d'Albert et d'Edouard, deux soldats français croupissant dans les boueuses tranchées. Alors qu'un dernier assaut est lancé sur le concours d'une véritable saloperie de lieutenant, Édouard se retrouve défiguré par des éclats d'obus. Le conflit se terminant, notre gueule cassée ferait alors tout pour ne pas retourner chez les siens, lui qui, bien qu'ayant grandit avec une cuillère en argent dans la bouche, ne connaît que le dédain de son père. Avec l'aide d'Albert, Édouard se fait passer pour mort et à nos héros de se confronter à la vie d'avant tout en étant changés à jamais. La suite je vous laisse la contempler par vous même ; elle vaut le détour ne serait-ce que par son ingéniosité.


Il y a quelque chose de quasiment incroyable dans Au revoir là-haut ; c'est sa capacité à être constamment juste et d'insuffler une douceur sans pareil. Tout est formidable et je pèse mes mots. La réalisation est inspirante, brillante et ambitieuse, la musique offre toute sa teneur à l'histoire sans jamais sonner faux. Les acteurs font vrombir le palpitant, en particulier Dupontel et son jeu très touchant, loin des standards de "La performance à César ou Oscar", Nahuel Perez Biscayart dont la gestuelle et l'art graphique parlent au delà de ses grognements, dont les yeux expriment tout sans pour autant dire, ou même Lafitte et sa volonté d'incarner le parfait trou du cul qu'on se plait à haïr. De concert, ce joli petit monde saisit le spectateur à la gorge par une émotion toute puissante pour ne le relâcher qu'une fois le générique lancé.


De plus, l'histoire est réellement attachante et adroitement ficelée. Jamais elle ne va tomber dans une sorte de misérabilisme concernant la guerre et ses conséquences. Le visage d'Edouard pour cause. En effet, nous abattre la réalité en pleine face en nous faisant découvrir avec horreur la sienne est inutile. Édouard n'est pas un petit être faible à plaindre, c'est une âme créatrice dont le talent ne demande qu'à jaillir. De sa mutilation il va faire une force, une mutation. Il n'est alors plus le soldat ou même le fils, il peut être l'homme, la femme ou encore l'oiseau qui rêvait d'un jour pouvoir quitter son nid.


J'ai également trouvé intéressant que les différentes magouilles et escroqueries dans lesquelles vont se trouver nos héros ne soient pas teintées d'une morale quelconque. On évite alors le manichéisme facile du gendarme et du voleur pour se concentrer sur une histoire d'humains avec toutes les tromperies que cela comporte.


En soi, le film gagne sur tous les tableaux tant il parle et peut parler à tous sans perdre en finesse et justesse. Il transpose l'idée de vie et de mort, de drames et de renaissances.


Extraordinaire !

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le 27 oct. 2017

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Fosca

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