Au revoir là-haut: Comment transformer la triste réalité en rêve

Dupontel nous raconte une histoire touchante, adaptée du livre de Pierre Lemaitre qui a reçu un prix Goncourt. Il ne s’agit pas d’un de ces innombrables films de guerre décrivant les trop pathétiques barbaries que les hommes commettent, mais d’une véritable ode à la vie.


A l’exception de la scène du début, nous n’avons pas, ou prou affaire à la violence. Tout commence sur les tranchées. Les français et les allemands pensent que la guerre est finie, ils sont prêts à lever le camp. Ivres de joie, les soldats rient ensemble, dans une parfaite ambiance d’osmose euphorique. Parmi eux, un vétéran taciturne et son ami, un jeune bourgeois passant son temps à dessiner. Nous sommes le 9 novembre 1918.


Malheureusement, un lieutenant sanguinaire refuse que le combat se termine. Sa perfidie se manifestera au point de simuler une attaque des allemands en tuant deux de ses soldats. A partir de ce moment, les coups d’obus éclatent de nouveau, l’attaque reprend. Quand Pradelle découvre que Maillard devine qu’il est à l’origine de ce machiavélique stratagème, il le jette dans un trou, lequel se referme d’emblée. Le pauvre soldat se retrouve emprisonné, avec pour seule compagnie la tête d’un cheval. Alors qu’il est à deux doigts de rendre l’âme, son ami Edouard, l’artiste, le sauve en le retirant du gouffre. Mais à peine réussit-il à le sortir de l’abîme qu’il reçoit un éclat d’obus, le propulsant à quelques mètres de là.


Sauvé, Edouard a néanmoins été défiguré. Il se retrouve dans une chambre d’hopital, le visage bandé. Auprès de lui, le compagnon qu’il a héroïquement libéré est à son chevet. Lorsqu’il découvre qu’il est une gueule cassé, il demande à son complice de le tuer, ce que ce dernier refuse. En réalité, Edouard ne veut pas que son père, avec qui il entretient des rapports difficiles, le revoit dans cet état. Il va donc se faire passer pour mort, échangeant son identité avec celle d’un soldat de l’assistance publique, que personne ne semble regretter.


Les deux compères reprennent le cours d’une existence sans le moindre parfum d’espérance. Edouard se morfond dans un modeste appartement tandis que Maillard accumule les petits boulots ingrats pour rapporter la pitance. L’un et l’autre, ils se rendent compte qu’ils sont devenus des laissés pour compte, étant donné que le gouvernement n’aide pas les soldats à se reconstruire en dépit des conséquences désastreuses produites par la guerre. Au même moment, le père d’Edouard, un richissime maire, décide d’organiser un monument aux morts nés dans le huitième arrondissement, dont son fils fait partie, évidemment.


Edouard va avoir l’idée de réaliser un faux monument aux morts, par le biais de ses brillantes illustrations: un moyen pour lui de défier son père qui n’a jamais reconnu son talent. Il se crée un nouveau personnage, ou plutôt dirai-je, des personnages multiples, en arborant plusieurs masques. Tantôt, il se mue en vieillard, tantôt en jeune dandy. Les rôles qu’il revêt lui permettent de fuir une réalité qu’il abhorre, de se détacher de son corps meurtri qui lui pèse lourd. L’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart exprime un panel d’émotions au travers de son regard bleu intense. Je ne vous en dis pas plus sur le dénouement de l’intrigue, car je vous recommande vivement d’aller voir ce film si vous aimez un tant soit peu la poésie, la magie. A la fin, on est ému en constatant que le fils arrive enfin à obtenir la reconnaissance de son père.

LolaGridovski
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le 11 nov. 2017

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