Au revoir là-haut est le genre de film qui réconcilie avec le cinéma français. Pas une comédie bas du front, pas un drame vu et revu, c’est un film contemplatif comme nos réalisateurs en font peu. Le ton est donné dès l’introduction, qui rappelle certaines scènes des Sentiers de la Gloire de Kubrick. Sur le champ de bataille, Dupontel joue avec la caméra pour faire monter la tension, et se permet certains plans audacieux, notamment lorsqu’il est coincé sous un amas de terre et qu’il ne laisse à voir que son œil.


Par la suite, le film suit un schéma assez classique sur le fond : deux rescapés de la guerre, dont l’un gravement défiguré, cherchent à se reconstruire par le biais d’une arnaque au monument aux morts. L’approche est cynique et semble chercher à démontrer que la guerre peut profiter à tous dès lors que l’on est prêt à renier ses principes. Mais delà d’une histoire relativement prévisible de bout en bout, c’est la façon de narrer qui fascine. « C’est bizarre mais ça fait vrai », comme dirait le personnage de Dupontel. On est en effet dans une sorte de caricature, une bande dessinée, et pourtant l’ensemble est incroyablement cohérent. Dupontel dans le naïf qui vire criminel sans vraiment s’en rendre compte, Nahuel Pérez Biscayart qui ne joue qu’avec les yeux et le fait formidablement bien, en fils disparu qui cherche une bonne raison de continuer à vivre, et toute une galerie de personnages dont les traits sont exagérés mais qui remplissent tous parfaitement leur fonction.


Ce film est beau, poétique, aidé par une mise en scène impeccable, une ambiance travaillée et une bande-son adaptée. Certaines scènes (qu’on apercevait déjà dans la bande annonce) sont des éclairs de génie dont il n’avait pas forcément besoin. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas laissé emporter par un film, fasciné non pas par ce qu’il avait à raconter, mais par la façon dont il me le racontait. Evidemment, certains défauts viennent ternir un peu l’ensemble (un scénario très convenu, une résolution de l’intrigue trop heureuse et surtout trop forcée pour le personnage de Dupontel, et un personnage – le maire du 8e – agaçant et qui dénote dans l’ensemble évoqué précédemment en raison d’une stupidité beaucoup trop exagérée). Mais je ne bouderais pas mon plaisir. Je désespérais de voir un jour un film bien français s’aventurer dans ce registre, et j’espère sincèrement que d’autres réalisateurs et producteurs choisiront de suivre cette nouvelle voie très prometteuse.

L9inhart
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le 29 nov. 2017

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