Toujours auréolé de sa réputation de purgatoire des cinéastes, avec ses impératifs visuelles, Netflix peine à trouver le succès qui arrivera à adouber ses productions cinématographiques. Pourtant, l'entreprise ne perd pas espoir et tente de mettre les bouchées doubles en cette fin d'année 2018 en proposant des œuvres plus radicales. C'est Jeremy Saulnier, jeune cinéaste plein d'avenir, qui ouvre le bal en compagnie de son comparse de toujours, Macon Blair, qui signe le scénario tiré du roman éponyme. Continuant ses obsessions autour de la violence, il signe un film dans la continuité de son Blue Ruin et Green Room mais qui peine à renouveler son cinéma.
C'est sans doute parce qu'il n'a pas signé le scénario que ce Hold the Dark nous offre un léger goût de surplace, le cinéaste se replongeant dans les limites de la vengeance personnelle et de la spirale de la violence. Mais s'imposant dans une forme plus cryptique, le récit s'avère bien trop opaque pour pleinement satisfaire, notamment dans une conclusion qui confond trop l'entretien de la réflexion avec le brassage du vide. Pourtant narrativement il y a de belles choses dans ce Hold the Dark, que ce soit le parallèle avec l'histoire de l'Amérique qui oppose les natifs avec les envahisseurs. Le film flirte aussi habilement avec le fantastique dans sa représentation d'une violence animale, incontrôlable qui se manifeste lorsque l'homme se voile la face. Ce qui permet par moments de belles envolées lyriques même si celles-ci ne se trouve jamais vraiment concluantes.
Pourtant le film est aussi parcouru de très beaux personnages, à l'exception du couple au centre du récit qui s'avère trop apathique pour convaincre, mais on retiendra un protagoniste qui cherche à trouver la raison là où il n'y a que folie, un natif du village qui cède à ses pulsions suite à la perte de sa famille et du chef de la police très humain et magistralement incarné par James Badge Dale. D'ailleurs le casting est sans fausse note, Jeffrey Wright tient enfin un premier rôle à sa mesure dans un film, nous gratifiant d'une performance subtile et juste. On regrettera juste la sous-exploitation de la géniale Riley Keough. Pour la réalisation, Jeremy Saulnier s'impose avec une technique plus sublime que jamais magnifié par une photographie léchée qui joue habilement des jeux de lumières. Il travaille une mise en scène plus ample, aérienne et abouti qui montre des ambitions nouvelles de la part du cinéaste. Même si il se montre un brin trop contemplatif lors du dernier acte, il donne avant ça une séquence de fusillade tétanisante par sa violence et sa maîtrise chirurgicale. Ses éclats de violence sont plus transcendants qu'avant et il s'impose avec un savoir-faire proche de la virtuosité.
Hold the Dark est ce que Netflix à su tirer de mieux des cinéastes qu'il a employé jusque là, même si on reste face à une oeuvre moins marquante de la part de Jeremy Saulnier. Plus abouti visuellement que ses précédents films, avec une meilleure technique et surtout une mise en scène aux ambitions plus amples qui les applique avec un savoir-faire et une maîtrise proche du virtuose. Le tout est aussi tenu par un très bon casting mais souffre d'une écriture bien trop opaque pour son propre bien. En résulte un récit nébuleux qui jongle entre fulgurances et impasses narratives. Hold the Dark reste une belle réussite grâce à sa personnalité et sa réalisation sans faille mais peine à renouveler le cinéma de Saulnier tout comme à pleinement tirer profit de son histoire.
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