Il faut tout de suite préciser que les esprits trop cartésiens ou les personnes n’étant pas fans des récits en pointillés où tout n’est pas expliqué en long, en large et en travers doivent passer leur chemin au risque d’être perdus. Car pour apprécier ce film, il faut aimer être perdu (un peu comme dans « Donnie Darko » ou « Mulholland Drive » mais en moins extrême tout de même). Le cas contraire ils seront frustrés et pourraient ne pas apprécier cette œuvre pour le moins étrange et différente à sa juste valeur. En effet, cette adaptation du livre « Hold the dark » fait le choix d’être opaque, de donner très peu de clés de compréhension à son spectateur et de lui laisser l’opportunité de recoller les morceaux du puzzle par lui-même en se focalisant sur l’ambiance. Il ne s’agit pas de trous dans le scénario mais d’un choix assumé du scénariste Macom Blair et du réalisateur Jérémy Saulnier, découverts avec le prometteur et singulier « Blue Ruin » et le plus clivant et raté « Green Room ». Avec « Aucun homme ni Dieu » il livre clairement son film le plus abouti visuellement et le plus mystérieux sur le plan narratif.
Le mystère entretenu par le film est clairement addictif. De plus, le contexte original, la teneur de l’histoire et la sublime mise en scène rendent le film hypnotique. Les zones d’ombres sur l’intrigue et la conclusion sibylline et abrupte lui vont bien et amplifient ce ressenti, le rendant encore plus intrigant et envoutant. Le récit se déroule dans un bled reculé d’Alaska. Froid glacial et étendues de neige sont donc évidement au rendez-vous mais aussi une ambiance presque mystique, due à la présence des nations autochtones. Cela donne à « Aucun homme ni Dieu » une palette et un cachet pleinement originaux. Le film est toujours à la lisière du fantastique et certaines visions baroques imprègnent durablement la rétine (l’épouse nue au masque de loup, la scène de la grotte, les loups et leur comportement, …). Et la réalisation de Saulnier magnifie ses décors en plus de prendre son temps, pour bien nous immerger dans ce contexte rare. Chaque plan est minutieusement réglé et donne une esthétique irréprochable au long-métrage.
Mais au-delà de l’aspect purement visuel, on est bluffé par chacune des séquences de ce film très particulier et complètement imprévisible. C’est parfois d’une violence sèche et imprévisible à la Tarantino (sans l’humour), puis soudainement on passe à une énorme et très longue fusillade qui en met plein la vue par sa puissance, on dévie sur un affrontement très spécial avec des loups ou encore on se voit offrir des séquences quasi-mystiques et terrifiantes, tout cela sans pour autant tomber dans des ruptures de ton inappropriées (ici cela demeure très sombre et sérieux). « Aucun homme ni Dieu » coche toutes les cases d’un cinéma différent et magistralement réussi qui nous prend continuellement par surprise. Encore une fois, si bien sûr on est à la recherche d’autre chose, d’une histoire non balisée baignée dans une atmosphère inquiétante et froide. Les deux heures du film passent vite pour qui adhère et on aurait juste voulu quelques indices supplémentaires pour ne pas avoir à lire le livre pour mieux comprendre. Hormis cela, tentez cette histoire passionnante, différente et esthétiquement irréprochable.
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