« Autopsie d’un meurtre » est un film d’Otto Preminger avec James Stewart, réalisé en 1959. Porté par une bande son inoubliable de Duke Ellington, le film fut un grand succès, et l’AFI le classe 7e plus grand "drame judiciaire" de tous les temps.


Basé sur un fait réel, le film nous présente l’ancien procureur général Paul Biegler, un avocat vieillissant qui passe plus de temps à pêcher qu’à plaider – n’acceptant que quelques affaires mineures de temps à autre pour gagner sa croûte.


Un beau jour, son associé alcoolique, Parnell McCarthy, vient le trouver pour lui proposer un cas plus sérieux : le procès d’un lieutenant de l’armée américaine, Fred Manion, accusé d’avoir froidement abattu Barney Quill, le tenancier d’un bar qui aurait battu et violé sa femme, Laura. Sous ses dehors débonnaires et pince-sans-rire, Biegler est un juriste à l’esprit acéré, qui sait parfaitement ce qu’il doit faire pour remporter le procès.


Avec ce film, Preminger prend le parti d’une reconstitution la plus réaliste possible du déroulement d’un procès : nous avons droit à l’intégralité des témoignages et des plaidoiries de la défense et des procureurs. Si tout le début du film sert à mettre en place les enjeux de l’affaire et à présenter les personnages, le reste du métrage (par ailleurs d’une durée conséquente, 2h40), est cloisonné à la salle du tribunal, où ces deux orateurs de talent que sont Paul Biegler et Charles Dancer vont s’opposer. Preminger poussa le soin du détail jusqu'à engager un réel avocat pour jouer le rôle du juge Weaver, qui servit aussi d'expert au réalisateur, assurant ainsi le réalisme de l’œuvre.


On pouvait s’y attendre étant donné le titre ; le réalisateur s’attèle à décortiquer le déroulement de l’audience, et à décomposer brique par brique la construction de l’argumentation de Biegler. On comprend ainsi le cheminement de l’avocat, fin renard, qui pose ses pièces une par une.


Bien que le souci principal du film soit une crédibilité totale, Preminger parvient à maintenir, tout au long du film, un certain suspense par rapport à sa conclusion, et, surtout, une tension permanente dans le tribunal. Ainsi, lorsque le procureur local, dépassé par les évènements, laisse la main à la superstar du barreau, Charles Dancer, et que celui-ci pousse les témoins clés de la défense dans leurs derniers retranchements, les scènes sont d’une longueur insoutenable, et le spectateur, bien entendu acquis à la cause du clan Biegler, ne peut que retenir son souffle en attendant avec appréhension le verdict…


Evidemment, un film qui se déroule quasiment à huis-clos, et dont la plus grande force est une reconstitution presque parfaite d’un procès où l’on passe donc son temps à parler, repose, du coup, principalement sur ses interprètes pour s’en sortir. On retrouve le génial James Stewart, qui prouve une fois de plus l’immensité de son talent versatile en incarnant avec brio cet avocat grandiose. Face à lui, deux procureurs, dont la stupidité caricaturale de l’un sert à accentuer l’habileté de l’autre, un grand George C. Scott qui fut d’ailleurs nominé à l’Oscar du meilleur second rôle. Il y a également un très chouette casting de seconds rôles : la très jolie Lee Remick, l’attachant Arthur O’Connell (également nominé à l’Oscar), et j’en passe.


Avec « Autopsie d’un meurtre », Otto Preminger signe une reconstitution magistrale d’un procès. Le film ne s’en tient pas simplement à proposer seulement la vidéo d’une audience judiciaire, mais constitue également un pionnier par son traitement cru de thématiques encore interdites ou déconseillées par le code Hays : la description graphique du viol et du meurtre, notamment (à l’époque, le propre père de James Stewart avait été à ce point choqué par le film qu’il avait publié un article dans son journal pour enjoindre la populace à ne pas aller le voir). Le film pose également la question du "briefing des témoins", point légal assez gris, mais pratiqué sans vergogne par les deux partis durant le procès. Parfaitement construit, soigneusement rythmé, superbement interprété, « Autopsie d’un meurtre » vaut mille fois la peine d’être vu, ne serait-ce que pour James Stewart et le jazz de Duke Ellington…

Créée

le 20 juin 2015

Critique lue 1.2K fois

6 j'aime

Aramis

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

6

D'autres avis sur Autopsie d'un meurtre

Autopsie d'un meurtre
Aurea
9

Duel à la barre

Comme ça fait du bien de retrouver Jimmy, sa longue silhouette dégingandée, son regard clair, sa décontraction et son flegme apparents qui en font l'un de mes acteurs favoris des années 50! Le voilà...

le 9 févr. 2012

106 j'aime

53

Autopsie d'un meurtre
raisin_ver
10

Critique de Autopsie d'un meurtre par raisin_ver

N'allons pas par quatre chemins, les deux heures trente d'Autopsie d'un meurtre défilent à la même vitesse que McCarthy descend une bouteille de scotch. Un thème dur, un viol et un meurtre, un...

le 16 avr. 2011

68 j'aime

10

Autopsie d'un meurtre
guyness
8

Le pro du procès sait.

Les quelques coups de génie de ce film de procès pas comme les autres: 1) la personnalité de l'accusé et de sa femme, suffisamment troubles pour qu'à aucun moment on ne soit convaincu des motifs,...

le 7 mai 2011

67 j'aime

1

Du même critique

Shanghaï Express
Aramis
7

Docteur H. et les Femmes

En 1931, Josef von Sternberg retrouve Marlene Dietrich pour un quatrième film, « Shanghai Express ». L’histoire est située en Chine, et, plus précisément, dans le train éponyme qui relie les villes...

le 16 avr. 2015

19 j'aime

9

Thelma et Louise
Aramis
10

The girls the authorities came to blame

Le 24 mai 2016, à l’occasion des vingt-cinq ans du film, j’ai vu, pour la troisième fois, « Thelma et Louise ». Deux heures après, pour la troisième fois, le film s’achevait et me laissait le cœur...

le 5 juin 2016

19 j'aime

4

La Comtesse aux pieds nus
Aramis
5

Le conte de l'ennui

En 1954, Joseph L. Mankiewicz réunit deux monstres sacrés du 7e art : Humphrey Bogart et la belle Ava Gardner – qui lui est "prêtée" à prix d’or par la MGM – pour son film « La Comtesse aux pieds nus...

le 6 avr. 2015

18 j'aime

9