Ténèbres clairsemées.

Vouant un culte de chaque instant à Apocalypse Now, je redoutais presque de me confronter à ce documentaire, censé montrer crûment la descente aux enfers de Coppola lors du tournage de son film culte (parmi d'autres).

Co-réalisé et surtout narré par Eleanor Coppola (sa femme donc), Hearts of darkness s'articule autour de nombreuses scènes du tournage, de témoignages des acteurs sur le plateau ou une décennie plus tard, d'extraits du film lui même, mais également de brides de conversations entre Coppola et sa femme, enregistrées à l'insu du réalisateur (qui, ne nous voilons pas la face, a du avoir son mot à dire sur leur emploi).

Si les difficultés industrielles et humaines accumulées sont dépeintes factuellement (le typhon, les caprices de Brando, l'armée des philippines osant récupérer ses hélicoptères en plein tournage, etc), le documentaire essaye surtout d'effectuer un parallèle entre le film, le livre ayant servi de base au script, et l'expérience vécue par Coppola. C'est sur ce point que je suis un peu déçu. Si certains passages font froid dans le dos (l'appel téléphonique lors de la crise cardiaque de Martin Sheen notamment), j'ai surtout eu l'impression que l'essentiel passait sous silence, qu'Eleanor Coppola, malgré le vernis sulfureux de son documentaire, a surtout réalisé une hagiographie de son artiste / génie de mari. Les tensions sur le plateau sont au final à peine évoquées, la drogue open bar ? A peine un témoignage l'aborde franchement...

La conclusion est également assez bâclée et facile, se contentant de caser les dernières minutes d'Apocalypse Now en feu d'artifice puis un rapide texte expliquant que finalement, tout est allé pour le mieux, le film a fait du fric et gagné des récompenses. Rien sur la post-production (j'espérais au moins quelques minutes sur le périple que fut le montage et le mixage sonore de Walter Murch, également épique dans son genre...) ou la reconstruction de Coppola après cette aventure hors norme.

De fait plutôt qu'une descente aux enfers frôlant la folie, Hearts of Darkness se résume aux états d'âme de Coppola qui a peur de faire un mauvais film (et de finir ruiné). Angoisses tout à fait légitimes mais qui a la longue lassent à revenir constamment sur le tapis.

Ça n'en reste pas moins un excellent documentaire dépeignant avec justesse le processus de création de Coppola, indispensable pour tout fan du film, avec de vraies pépites qui remettent la pellicule en perspective.