La Chronique Mécanique de AUX YEUX DES VIVANTS
Après s'être essayé au gore ("A
l'intérieur") puis au fantastique ("Livide"), Julien Maury et Alexandre
Bustillo s'attaque à un troisième sous-genre du cinéma d'épouvante, à
savoir le slasher. Même si ce point peut d'emblée se discuter : en
effet, ici ce sont des collégiens, et non de jeunes filles aux hormones
en ébullition, qui sont les proies d'un tueur qui de plus n'est que
rarement masqué. En outre, la dimension sexuelle inhérente aux slashers
disparaît du même coup. Néanmoins, ils livrent une pellicule rendant
aussi bien hommage à Tobe Hooper et Wes Craven, qu'au romancier Stephen
King. Par conséquent, "Aux yeux des vivants" se trouve être un film
hybride, sorte de métissage entre "Stand by me" et "La colline a des
yeux". Sur le papier, leur entreprise est donc tout à fait louable et a
de quoi faire saliver les amateurs du genre. Sur le terrain, c'est une
toute autre histoire et les deux comparses restent dans la lignée dans
leurs précédentes réalisations. En d'autres termes, ils n'arrivent
jamais à la hauteur de leurs ambitions et déçoivent davantage qu'ils ne
séduisent.
Il y a bien quelques moments de suspense et de terreur
bien sentis, une bonne dose de violence – et de sadisme aussi, un
boogeyman qui, à défaut d'être exceptionnel, reste honorable ; mais
l'ensemble n'est pas plus tranchant que ça. Le scénario est trop
maladroit et la mise en scène trop impersonnelle pour emporter
l'adhésion. Si Maury et Bustillo s'inspirent beaucoup du cinéma de genre
US et de ses rednecks crasseux et sanguinaires aux prises avec de
jeunes et beaux citadins ayant mis les pieds dans un territoire où les
règles du jeu leurs sont hostiles, jamais le duo n'arrive à faire
oublier ses glorieux aînés. Entre dialogues pauvres, personnages
caricaturaux, comportements parfois risibles et rebondissements
prévisibles, ils prouvent une nouvelle que le cinéma d'horreur hexagonal
est souffrant. Ce n'est peut-être pas entièrement de leur faute, la
production de ce type d’œuvres étant très difficile en France. Les
diffuseurs, chaînes de télé toutes-puissantes, ont autant le goût du
risque que Christophe Maé a l'oreille musicale, et le public est un
zombie affamé de comédies ineptes avec Kev Adams et Franck Dubosc. Du
coup, les producteurs ne se mouillent pas et développer un vrai cinéma
d'horreur, comme Carpenter, Craven ou Romero l'ont fait
outre-Atlantique, est mission impossible...
Pour arrêter de
digresser et en revenir à ce qui nous intéresse ici, les interprétations
ne sauvent pas non plus la donne, les trois jeunes héros offrant des
prestations somme toute inégales, et Anne Marivin est comme dans les
comédies populaires médiocres dans lesquelles elles s'exécutent la
plupart du temps : médiocre. Seuls Francis Renaud et Nicolas Giraud
arrivent de justesse à sortir la tête de l'eau. De plus, les décors
pourtant intéressants de ce vieux studio de cinéma où se trame une
partie de l'action du film sont très mal utilisés, voire sous-estimés,
et c'est bien dommage. En cela, "Aux yeux des vivants" a bien peu de
chance de rester graver dans les yeux du public.
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