Avec un générique sans musique ni images, Ava donne le ton : il sera un film aride. Le montage est très cut, les scènes s’étirent en longueur sans que rien ne s’y passe, et certaines d’entre elles sont assez dures à supporter. Et ce n’est pas forcément grave, après tout. Un film n’a pas besoin d’être agréable pour être bon. Non pas qu’Ava soit un bon film.


Le film s’ouvre sur une scène nous introduisant le lieu de l’action : une station balnéaire, vraisemblablement du sud de la France. Et déjà, un premier truc dérange : la représentation ultra-condescendante du peuple, qui n’est que grossièreté, laideur, et bruit. Ava le souligne d’ailleurs « je n’ai vu que la laideur », et seule elle, Juan, et dans une moindre mesure sa communauté de gens du voyage, sera idéalisée. Eux sont beaux, eux sont maigres, eux sont jeunes. Que Léa Mysius aille relire Erri De Luca, aille écouter Brel ou Brassens, aille regarder du Pagnol, au lieu de se livrer à une vision élitiste et méprisante du peuple sous couvert de naturalisme. Surtout quand l’héroïne de ton film est aussi détestable, sans qu’elle ne semble s’en rendre compte, ce qui en dit beaucoup.


A trop vouloir être arty et original, Ava loupe le coche et ne se rend pas compte qu’il cumule les mêmes clichés dont souffrent la plupart des films d’auteur français : nudité gratuite, voix off mystérieuse chuchotée, scènes inutiles et posées là juste pour faire genre, métaphores pas du tout subtiles (genre un jeune ado pas très adroit embrasse l’héroïne en tenant un hot dog dans sa main, et elle se retrouve juste après avec une tache de moutarde sur la cuisse…), et bien sûr le très très classique ado/enfant qui se comporte et parle comme un adulte : « Tu sors avec ce type ? C’est un gigolo. » ou encore « Le foulard sans ma mère, c’est déconcertant ». Et on sent pertinemment qu’en écrivant/réalisant tout cela, Léa Mysius devait se sentir très maline et avait l’impression de faire un chef-d’oeuvre.


Dans cet océan de lenteur et de médiocrité, surnage néanmoins quelques belles idées : tout le jeu sur la couleur noire et les renvois aux yeux (un peu trop appuyés, cependant), quelques très beaux plans qui font vraiment regretter que tout le long-métrage ne soit pas de cet acabit, et un chouette hommage involontaire au clip de Bound 2 lors d’une scène à moto. C’est dommage, car on a déjà fait mieux sur le même sujet (un adolescent malade se découvre), même dans le cinéma français : La Permission de Minuit, de Delphine Gleize, est certes un peu trop formaté, mais à au moins le mérite d’être réaliste sur son traitement de l’adolescence, au lieu de projeter sur une fille de 13 ans la personnalité d’une réalisatrice de 28 ans. Traitez-moi de hater, mais Ava, c’est vraiment tout le cinéma que je déteste.


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