Que meurent les téméraires cloués au piloris

J'arrive après la bataille, et le cheminement d’œuvres qui m'ont amené jusqu'à ce film dans le monde touffu de Sens Critique reste un peu énigmatique.
Cette chronique ne va pas parler que d'Avalon, elle va traiter d'un peu plus que ça.


Quand je me suis inscrit sur ce site, j'avoue, j'y suis allé pour rager. J'ai ragé une fois, deux peut-être, et pour des motifs qui me semblent acceptables, c'étaient plus des déceptions que de la rage pure. Puis je me suis demandé à côté de quoi je passais en ne commentant des œuvres que pour leurs aspects négatifs, et j'ai donc préféré aller commenter ce que j'appréciais.


Pour Avalon, j'ai été assez surpris (mais je dois être naïf) de la qualité médiocre des commentaires de ses détracteurs, qui font pourtant hélas baisser sa note globale, pour peu que ça intéresse quelqu'un. A chaque lecture de rageux, je me suis demandé à quel moment ils avaient trouvé pertinent de même regarder ce film, tant les travers qu'ils épinglaient paraissaient complètement hors de propos.


On peut critiquer une œuvre, trouver des angles d'attaque, des défauts à son intrigue, à la gestion des acteurs pour un film, à sa photographie etc, mais reprocher à une œuvre d'être simplement ce qu'elle est relève pour moi du non-sens absolu; ce serait comme reprocher à une peinture à l'huile d'avoir été peinte avec de la peinture à l'huile.


L'exemple qui revient le plus souvent est cette scène de la pâtée pour chien que prépare Ash, qu'il n'est donc plus nécessaire de mettre en spoil tellement elle est itérative dans chaque critique négative.


Tout d'abord elle ne prépare pas de la pâtée pour chien, elle prépare un vrai repas qu'on imagine être pour elle, ensuite le changement chromatique qui s'opère durant cette scène révèle que les tons sépias utilisés jusqu'ici s'apparentent plus à la perception qu' a Ash de la réalité, et non à la réalité en elle même. Enfin, c'est durant cette scène que son chien disparait, soit son seul lien avec le monde dit réel.


C'est une scène qui raconte une histoire, elle a une place dans le déroulement des événements, tout comme les phases de jeux. Lui reprocher d'exister est absurde, en pointer les faiblesses serait plus judicieux.


Je ne dis pas que ce film n'a pas de défauts, il en a pléthore bien entendu : Une mise en scène un peu trop maniérée, une lenteur parfois étouffante, un jeu d'acteur parfois assez mécanique (quoi que ce point soit sûrement désiré par le réal) et surtout un manque cruel de fond. Ce film est sorti en 2001, il est Nippo-polonais et a coûté 8 millions de dollars, contextuellement, c'est un coup de pied dans les parties d'Hollywood qui les laisse toujours sur le tapis, et ce malgré les boites de prods qui justement ont arrosés les salles de trailers à la hollywood, créant ainsi cette espèce de dichotomie attente/réalité.


Pour finir avec ce film, je le re-mate régulièrement depuis 10 ans. Au troisième visionnage, j'ai enfin compris que


le niveau de Classe Réelle est notre propre monde, celui dans lequel nous vivons, ce qui d'une certaine manière est encore pire que Matrix dans son raisonnement, puisque cela sous-entend que nous n'existons même pas, nous ne sommes qu'un décors.


Au cinquième visionnage, j'ai compris que


le sourire du ghost à la fin du film sous-entend qu'Ash va rester tout comme Murphy dans ce monde, qu'elle est devenue un non-revenu elle aussi, et que les concepteurs du jeu amènent de nouveaux joueurs dans le niveau de Classe Réelle pour éliminer les précédents, devenus comme des bugs dans cette version bêta.


En fait je suis souvent impatient de le re-visionner, car je me dis que je vais en comprendre plus sur l'intrication de l'intrigue, sur le rapport du personnage à ce qui l'entoure.


J'ai l'impression qu'il est de plus en plus difficile d'apprécier de tels films. Notre œil s'est habitué à des plans de plus en plus courts, à des mécaniques narratives de plus en plus consensuelles, comme une forme de myopie intellectuelle qui nous fait clouer au piloris certains artistes téméraires qui s'aventurent à chercher une autre manière de faire ou de voir le cinéma ou tout autre art. En tous les cas je repense souvent à ce film, et c'est ce qui fait que je l'apprécie.


Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère qu'on pourra continuer de regarder ce genre de créations tous ensembles.

BasileValentin
8
Écrit par

Créée

le 1 avr. 2021

Critique lue 80 fois

Basile Valentin

Écrit par

Critique lue 80 fois

D'autres avis sur Avalon

Avalon
Rawi
8

Requiem pour un basset

« Je crois que l’expérience de la réalité et celle de la fiction peuvent se rejoindre. Si en lisant un roman, vous tombez amoureux d’un personnage de fille, je crois que c’est le même sentiment que...

Par

le 10 nov. 2014

59 j'aime

11

Avalon
Fritz_the_Cat
8

Requiem pour un basset

« Je crois que l’expérience de la réalité et celle de la fiction peuvent se rejoindre. Si en lisant un roman, vous tombez amoureux d’un personnage de fille, je crois que c’est le même sentiment que...

le 10 nov. 2014

39 j'aime

9

Avalon
Sergent_Pepper
7

Passages avides

Avalon se présente comme l’un des films « en prise de vue réelle » de Mamoru Oshii, un des maitres de l’animation japonaise : affirmation qui peut sembler paradoxale, tant le traitement des images en...

le 1 avr. 2017

35 j'aime

Du même critique

Manuscrit de Voynich
BasileValentin
2

Les éditions Hades

Je ne vais pas parler du manuscrit de Voynich ici mais de la maison d'édition française qui est censée en fournir une copie ultra haute qualité : Les éditions Hades. C'est le visuel que vous avez sur...

le 3 juin 2021

4 j'aime

3

Rain World
BasileValentin
8

Ereintant mais jouissif

Edit 19/03 :J'avais mis 5/10 sur ce jeu et mince je regrette amèrement car il en vaut la chandelle. Oui, tout ce qu'il y a d'écrit en dessous est vrai, mais au final attendre d'un jeu qu'il s'adapte...

le 19 mars 2023

3 j'aime