La machine infernale commença, il y a un peu plus de 10 ans, avec Iron Man (2008) de Jon Favreau. Depuis, une production démesurée de 22 longs métrages, à toutes les sauces, aux qualités inégales, aux styles quasiment similaires. Un enchaînement au fil des années jusqu’à la lassitude, l'insignifiance même. Et une conclusion : Avengers : Endgame.


Avec le coup de théâtre du précédent opus Avengers qui voyait la victoire de Thanos et la moitié de l’humanité réduit en cendre, c’est dire si le film pouvait être attendu. Le temps d’engloutir Ant-man et la Guêpe ainsi que Captain Marvel, formatés et sans saveur, et nous voilà déjà face au mastodonte Endgame et sa durée quasi-monumentale de 3h. Avec les frères Russo de nouveau à la barre.


Pour les cinéphiles plus érudits, Avengers Endgame aura de quoi lasser, exaspérer devant le peu d'intérêt cinématographique auquel Marvel nous a malheureusement habitué : lissage des styles, pauvreté de mise en scène, humour potache, incohérences narratives à tout va. Les Russo ne sont pas auteurs mais faiseurs. On le sait et ça se voit. Les rares « auteurs » ou « stylistes » qui ont pu se greffer au MCU (Taika Waititi, James Gunn ou Ryan Coogler) l’ont toujours fait mais jamais au détriment de la cohérence de l’univers.


Vous l'aurez compris, Endgame n'est pas là pour raconter autre chose, ni pour changer quoique ce soit. On reste dans le pur jus. Les trois heures passent tel un éclair devant le rythme effréné, une fois la course contre la montre enclenchée. Au diable le style, au diable la mise en scène, au diable la cohérence narrative. On n’hésite pas à bâcler des personnages, à péter la dramatisation et l'épique avec l'humour parfois lourdingue, et à raconter tout et son contraire quelques séquences plus loin. En somme, tout ce qui touche au voyage dans le temps. Mais tout ça n'importe plus.



Dernier souffle



L’essentiel est ailleurs. L’univers, les références, la nostalgie. Il y a comme une volonté très consciente de rassembler autour de ces derniers facteurs en dépit du reste. De fait donc, appréhender le MCU non plus comme des œuvres cinématographiques distinctes mais bien comme une série ; notamment dans sa volonté d’uniformisation du style et de la narration. Mauvaise nouvelle ou pas (je pencherai pour la première), c’est de fait une révolution.


Passé les deux premières heures, le plus beau reste à venir. C'est dans son ultime geste, son dernier tiers que cette conclusion vient apporter quelque chose d’inédit : un supplément de cœur et d’âme. Comme si les 50 heures de visionnages blasées étaient uniquement faites pour cette unique conclusion. Comme si cette machinerie Marvel était faite pour atteindre ces ultimes moments, ces derniers souffles imprégnés de toute sa culture, ses codes et son symbolisme.


Chez Disney et chez les gros cadors Hollywoodiens (les bons hein), on sait jouer avec le passé. On sait venir titiller la fibre nostalgique pour susciter envies et émotions. Il suffit de voir les phénomènes de masses créés pour Star Wars (Disney encore tiens, tiens) et aujourd’hui Marvel. Oui, il y a quelque chose de beau, d’authentique dans cette manière de regarder en arrière, cette tendresse à quitter des personnages qui ont tant envahi les écrans, la pop culture et, à force, nos esprits. C’est de là que vient l’émotion, qui n’a jamais été aussi forte et aussi sincère en dix années de MCU. Le silence n'a jamais été aussi pesant, le calme si apaisant, le cœur si serré.


Dans cette dernière esquisse, les héros retournent en arrière, se confronte à leur image passée, à ce qu’ils ont incarné ou ce qu’ils ont perdu.


Le visage du vieux Steve Rogers en dit long sur les années passées. Le regard final de Tony Stark aussi.


Il est question du temps qui passe, du poids que cela engendre et de dire que tout cela n'était pas vain. Et soudain, tout ce qui paraissait insignifiant depuis tant d’année trouve une réelle saveur. Les souvenirs s’authentifient, la mémoire s’imprime et la mélancolie arrive, déjà. Le temps d'un dernier au revoir.

JoRod
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films Marvel et Les meilleurs films avec Mark Ruffalo

Créée

le 29 avr. 2019

Critique lue 196 fois

2 j'aime

JoRod

Écrit par

Critique lue 196 fois

2

D'autres avis sur Avengers: Endgame

Avengers: Endgame
Sergent_Pepper
5

Endgame of stones

Il s'installe en ce mois d’avril une ambiance fin de règne sur la planète pop qui a paradoxalement de quoi réjouir. J’aime voir les compteurs s’affoler et un certain nombre de générations bruisser...

le 28 avr. 2019

201 j'aime

34

Avengers: Endgame
Moizi
1

Digne d'un yaoi amateur

Je suis abasourdi par tant de nullité. Je veux dire, je sais que ça va être nul, j'y vais pour le plaisir mesquin de détester ce que tout le monde aime... et je suis à chaque fois étonné par la...

le 30 avr. 2019

160 j'aime

22

Avengers: Endgame
Behind_the_Mask
9

Le super héros, la mort et le temps

Bien sûr, la salle était pleine, surtout day one. Un autre résultat aurait été analysé immanquablement comme un signe d'échec pour Marvel. Ce qui l'était moins, c'était ce public faisant le pied de...

le 24 avr. 2019

145 j'aime

36

Du même critique

Rock'n Roll
JoRod
1

Farce amère

Guillaume Canet fait sa crise de la quarantaine. À l’heure où la comédie française ne brille pas par sa qualité, l’acteur-réalisateur français revient au cinéma avec une réalité-fiction, après...

le 17 févr. 2017

53 j'aime

5

Green Book - Sur les routes du Sud
JoRod
8

Ode à la tolérance

"On ne gagne pas avec la violence, on ne gagne qu'en gardant sa dignité". Green Book est un voyage dans l'Amérique ségrégationniste des années soixante. Un road-trip où le voyage, à la fois...

le 26 janv. 2019

21 j'aime

1

Chien de la casse
JoRod
8

Amitié tumultueuse

Nouveau venu dans le paysage cinématographique français, Jean-Baptiste Durand signe avec Chien de la casse un premier film détonnant, subtil et profond, sur une histoire d’amitié tumultueuse. Un coup...

le 16 avr. 2023

20 j'aime

2