(Cette critique contient des spoilers qui ne sont pas cachés. Vous êtes prévenus)


Il aura fallu 11 ans pour Kevin Feige de construire, continuer et achever la vision qu'il avait mis au point pour les Avengers depuis le premier Iron Man.
On pourrait croire qu'il serait facile de conclure l'arc des Gemmes d'Infinité après Infinity War (et qu'on le veuille ou non, après sa surprenante originalité narrative), Marvel Studios pouvant revenir à une ligne directrice plus simple mais beaucoup plus efficace grâce au bagage émotionnel conçu par cette décennie de films.


La première heure du film a le mérite de répondre agréablement aux attentes du public.
L'Univers devant s'adapter tant bien que mal à la décimation de la moitié de sa population par le claquement de doigts de Thanos. Le déroulé reste tellement terre-à-terre, l'ambiance tellement calme et le ton tellement sombre que nous n'avons plus l'impression de regarder un blockbuster gros budget mais plutôt un pur film dramatique dénué de tout artifice. Il faudra en revanche passer sur les longueurs évidentes et la déception de ne concentrer le focus que sur la situation des Avengers après la débâcle plutôt que sur le reste de la population, mais les acteurs font le travail demandé pour faire comprendre tout le désespoir du nouveau statu quo, aussi triste (la famille de Barton) qu'émouvant (Stark s'étant enfin rangé et fondé une famille heureuse).


Et après ça, les scénaristes perdent complètement les pédales.


La première victime sera Carol Danvers purement et simplement éjectée du film au bout d'une demi-heure pour ne réapparaître qu'au combat final (il aurait suffit que les Avengers attendent son retour pour lancer l'opération temporel et cela leur aurait épargné bien des traquas). Ça valait bien le coup de faire monter une telle attente sur ce personnage pour si peu.
Mais la véritable hérésie se fera subir sur le pauvre Thor complètement massacré. Jetant à la poubelle toute l'évolution du personnage (ou plutôt "les" évolutions car c'est la troisième fois qu'il change du tout au tout) pour le transformer en obèse bourré qui tirera la moindre scène le concernant vers le bas (impossible de le prendre au sérieux, une fois avoir vu sa bedaine, on ne voit plus que ça...surtout dans le combat final).


Ce traitement sera malheureusement annonciateur de l'absence de contrôle du deuxième acte complètement délirant.
Entrouvrant une véritable Boîte de Pandore pour une saga aussi durable: Le Voyage dans le Temps, Avengers : Endgame va alterner les séquences prometteuses mais aussi se planter, et le plus souvent en beauté.


A commencer par un humour plus que jamais intrusif. Cette critique revenait souvent parmi les adeptes du MCU, elle n'a jamais été aussi vraie qu'ici. Et si on y ajoute un montage raté, ça n'aide pas à rendre la deuxième heure plus intéressante. Celui d'Infinity War était déjà bordélique, mais il gardait une ligne directive claire, à l'inverse d'Endgame qui doit constamment jongler entre les différentes temporalités et qui commet l'erreur de n'exploiter son nouveau concept qu'avec un humour déplacé avec la situation. Le rythme devient lourd.


Si le bazar de toute cette partie du film a la qualité d'être totalement imprévisible pour le spectateur, on peut légitimement se demander "pourquoi ?".
Dérober les Gemmes dans différentes époques comme pour revenir aux événements majeurs de la saga était une idée pleine de potentiel. Faire voir certains événements d'un autre point de vu ou totalement changer notre perception de l'histoire que nous avons suivi pendant dix ans, d'autant que Christopher Marcus et Stephen McFeely établissent une règle qui permettrait entre de bonnes mains de laisser libre cours à une véritable frénésie pour récompenser les fans d'avoir suivi la saga pendant aussi longtemps. Mais la paresse d'écriture cachée derrière la surcouche de fan-service va vite faire retomber le soufflet.
Le "Casse Temporel" ne se limitant qu'à une excuse pour faire maladroitement revivre au public les événements cultes de la saga, ou plutôt les entacher (la Bataille de New-York réduite à une série de gags). Nos héros ne pouvant tout simplement pas modifier le cours du temps (une combine à peine voilée pour se permettre le loisir de faire n'importe quoi avec les séquences choisies), toute cette partie aurait facilement pu être raccourcie pour en faire gagner au spectateur. Les fameuses 3 heures tant vendus par les réalisateurs ne doivent leur existence qu'au meublage de ce qui était censé être le point déterminant du film, et pas forcément pour le meilleur (le film se révélant d'ailleurs très avare en action).


Si le pivot du film n'est exploité qu'à travers ces facilités, Endgame se retrouve prisonnier de sa propre logique.
Si les Avengers remontent dans le temps et empêchent Thanos d'annihiler la moitié de l'Univers, toute la conclusion dramatique d'Infinity War et l'existence même d'Endgame n'auront été qu'une vaste escroquerie (car quitte à annuler la fin dramatique du film précédent, autant directement les faire triompher dans le film précédent). Mais si nos héros réussissent à renverser le claquement de doigts après leur opération sans impacter le passé, alors Infinity War n'aura servi à rien. Markus et McFeely n'ont donc qu'une seule option.
Faire revenir accidentellement un autre Thanos provenant du passé comme boss final (et Gamora par la même occasion...). Beaucoup moins intéressant car celui-ci n'est pas passé par les sacrifices et le parcours du précédent film, et à la défaite prévisible car il doit pousser son projet de destruction à un point caricatural pour éviter la redite avec le film précédent. Et aussi se servir des voyages dans le temps pour diriger les Avengers originels vers leur fin définitive afin de ne pas rendre caducs tous les sacrifices menés pour en arriver-là.


Car il y a néanmoins de très bonnes choses qui ressortent de cette idée aussi bancale soit-elle.
La séquence en 1970 a beau être gratuite, elle réussit à rendre logique et surtout émouvantes les derniers instants que l'on passe avec Robert Downey Jr et Chris Evans dans la peau de leurs personnages avant leur retrait (Stark pouvant enfin faire les adieux qu'il n'a pas pu faire à son père et le Captain voyant enfin la possibilité de retrouver son premier amour). Romanoff n'ayant plus rien à perdre peut enfin briller en se sacrifiant pour sauver l'âme de Barton. Et surtout, Nébula gagne une profondeur inattendue en faisant face à son passé et à son père la marquant comme la personnage la plus intéressante du film.


Tout cela pouvant mener à la fin certes attendue mais toujours aussi satisfaisante sur le papier. Tous les protagonistes de l'Univers Marvel se réunissant contre Thanos pour une bataille générale nous rappelant exactement tout ce que l'on a vécu dans cette saga et pourquoi nous l'avons suivi.
On a surtout envie de dire "tout ça pour ça", la mise-en-scène des Frères Russo pourrissant cette séquence qui n'attendait qu'une décennie pour vivre sous nos yeux. Entre une imagerie ridiculement sombre et un montage chaotique qui ne cache pas le déluge d'effets numériques, nous sommes très loin des plans-séquence de Joss Whedon.


Nous avons attendus longtemps pour en arriver-là, quand bien même il a fallu patiner pendant 2h30. Un extrêmement long mais nécessaire épilogue où tous les arcs ou presque se terminent. Aucun subterfuge, aucun détournement, juste les acteurs faisant le lourd bilan de tous les événements qu'ils ont vécus et de leurs perspectives d'avenir pour certains. Les nouveaux héros peuvent continuer leur chemin et les premiers que nous avons vu réunis en 2012 peuvent partir dignement. Tony Stark disparaît en réparant ses erreurs sur sa réplique la plus célèbre, Bruce Banner et Clint Barton peuvent bénéficier de leur retraite méritée et Steve Rogers peut enfin danser avec Peggy Carter comme il l'avait promis. La boucle est bouclée, les Avengers ont eu la fin qu'ils méritaient (tous...sauf Thor bien sûr).


En fait, il est aussi facile de juger Endgame pour ce qu'il est à lui seul en tant que diptyque qu'il n'est difficile de le juger par rapport à tout le Marvel Cinematic Universe qui a mené à lui. Une saga ayant autant de bons que de mauvais côtés qui se fourvoient à plusieurs reprises mais qui réussit à globalement cerner son rapport avec le spectateur. Mais il est décevant de constater que ce dernier Avengers n'avait pas tant de choses à raconter pour conclure une majeure qui aura, il faut bien le dire, révolutionner toute l'industrie cinématographique hollywoodienne dans son ensemble.


La seule chose à se dire maintenant, c'est que l'on va inévitablement passer à autre chose. Si Kevin Feige veut continuer à faire vivre le mouvement, il a tout intérêt à maintenir un intérêt pour que ses plans continuent d'êtres bénéfiques sur le long-terme.
En attendant, les multiples artisans réalisateurs et projets de son côté sont susceptibles de réussir à continuer ce que l'Univers Cinématographique Marvel à démarré en s'affranchissant des précédentes contraintes. Avengers : Endgame laisse un goût douce/amer mais une certaine curiosité. Une page est tournée.


Et au moins, on a revu Korg et Miek !

Housecoat
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Journal de bord, Ma Blu-Ray-téque (où je répare mes erreurs de jeunesse). et Les meilleurs films de 2019

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le 25 avr. 2019

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