On va pas y aller par 4 chemins, Avengers Infinity War est un blockbuster très réussi jusqu’à son final à l'extrémisme frustrant, sorte de Game of Thrones caricatural invalidant en partie l’intensité dramatique du film et faisant redouter une nouvelle disquette marvelienne dans la plus pure tradition de la maison, à la faveur d'une manipulation narrative vidant en partie le film de sa substance dramatique.


Si cette fin doit être jugée à l’aune de ce qu’elle est vraiment, à savoir le cliffangher de mi-saison d’une série grand public ou la conclusion temporaire de la première partie d’un blockbuster familial de 5h qui ne prendra toute sa dimension qu'au terme de celui-ci, il est à espérer qu'elle pose les jalons de ce que sera le futur du MCU.


En ne gardant que les Avengers originaux (+ 2 persos robotiques, donc sans doute immunisés contre la malédiction de Thanos, et Okoye) et en liquidant tous ceux apparus dans la seconde phase (Black Panther, Dr Strange, etc.), Marvel pourrait en effet nous donner un indice quant au remplacement futur des premiers par les seconds dans un sacrifice ultime, une sortie héroïque, un point final bien réel cette fois. D'autant plus que Chris Evans, Chris Hemsworth et Robert Downey Jr sont tous en fin de contrat, et qu'il parait difficile d’imaginer un MCU où Captain America, Thor et Iron Man existeraient sans participer aux festivités.


Et puis difficile de croire que Marvel soit paresseux au point de clore son arc narratif en suivant l'un des scénarios des comics qui les ferait revenir aux événements du premier film histoire de liquider Thanos avant qu’il ait une seule Infinity Stone. Une telle décision fragiliserait d'emblée les bases de la nouvelle phase du MCU car cette espèce de réalité alternative, bien que très pratique, serait aussi très désengageante émotionnellement pour les spectateurs dans la mesure où elle annulerait plus ou moins tout ce qu’il s’est passé pendant 19 films, morts incluses (pour en savoir plus sur cette théorie, cliquez là).
X-Men: Days of Future Past s'y est déjà risqué et ça a plus ou moins tué le bordel parce que ce qui fonctionne dans une série comic parmi 200 autres ne fera que semer le doute sur toutes les futures velléités dramatiques de l’univers Marvel, un peu comme la fameuse saison de Dallas rêvée par JR Ewing pour revenir sur la mort du mythique personnage, une idée cataclysmique en termes d’audience.
Si Avengers Infinity War fonctionne, c’est en partie parce que l’on croit à la possibilité que les héros passent l’arme à gauche. Un retour trop loin dans le passé, en plus d’être trop obvious, annihilerait tout ça car comme le dit si bien Télérama dans sa critique "Pour que la légende vive, il faut qu’elle risque de disparaître" (sans pour autant sombrer dans un systématise à la Star Wars qui a pris le parti de liquider un de ses personnages mythiques par nouveau film).


Mais trêve de spéculations et de paris, c’est pas la Coupe du Monde, on est pas sur Betclic et y’a pas d'oseille à prendre.


Jusqu’à cette fin, tout roulait donc comme sur des roulettes malgré quelques maladresses ou raccourcis un peu faciles, le film trouvant le parfait point d’équilibre entre anciens et nouveaux persos, humour et émotion, action et progrès de l’intrigue.


Ainsi, le jeu de miroirs entre Tony Stark et Dr Strange fonctionne bien, les Gardiens de la Galaxie, Drax en tête, et Thor assurent le quota de pauses zygomatiques du film et les scènes d’action, lisibles et bien troussées, sont au service des enjeux narratifs de l’ensemble.


On l’a suffisamment répété et lu partout, mais avec un passif de 18 films et un casting de 76 personnages dont 22 super-héros, c’est peu dire que la tentation du fourre-tout boursouflé sur fond de partouze super-héroïque guettait les frères Russo.
Si les Avengers de Joss Whedon ne fonctionnaient pas, c’est notamment parce qu’ils échouaient à être autre chose qu'une étape-relais avant la grande confrontation avec Thanos, la faute à des vilains caricaturaux sans ampleur, à des menaces trop over the top pour constituer des enjeux dramatiques crédibles et à un humour très cour de récré qui désamorçait systématiquement toute tension naissante.


Les frères Russo l'ont bien compris et ont donc commencé par le commencement : bâtir un antagoniste crédible. En fait, la raison de leur réussite, nonobstant ce final sans lequel j'aurais sans doute mis 8 au lieu de 6, est on ne peut plus simple : leurs personnages principaux ne sont pas les Avengers mais Thanos.
Le grand méchant de service, teasé depuis les débuts du MCU, est cette fois au coeur de l'intrigue. Et on est loin du bad guy grotesque sans autre objectif que celui de transformer la terre en parking pour en devenir le maître absolu, faire-valoir scénaristique de l’héroïsme sacrificiel d'Iron Man et sa clique.


Alors évidemment, après 18 films passés à préparer son arrivée, les frères Russo ne pouvaient pas se permettre pareilles facilités narratives et devaient donner de la consistance à leur génocideur en chef. Mission accomplie puisque Thanos, brillamment interprété par Josh Brolin, est un personnage complexe avec un background relativement solide, un but clair et compréhensible voire légitime (en tous cas qui s’inscrit dans l’air du temps) et des émotions.
Pour tout dire, on se surprend même à éprouver par moments une certaine empathie pour lui, notamment lors des scènes qu'il partage avec Gamora, sans doute parmi les plus réussies du film. À ce niveau, on est clairement surpris par la profondeur du Mad Titan dont on n'attendait pas tant. Celle-ci contamine d'ailleurs le reste du film, par exemple le personnage de Tony Stark, bien moins agaçant que dans ses précédentes aventures.


Les Russo ont savamment exploiter les qualités de chaque personnage du MCU, s'appropriant au passage leurs univers respectifs en les épurant de leurs tares pour les mettre au service de cette gigantesque fresque super-héroïque.


Indépendamment de sa qualité intrinsèque, Avengers Infinity War, et toute la phase 1 du MCU avec lui, ne prendra sa pleine dimension qu'à l'aune de la résolution de son arc narratif, au terme de sa 2e partie donc. C'est alors que Marvel découvrira combien une fin réussie peut faire passer une oeuvre de fiction à un autre niveau, la fin au cinéma justifiant toujours les moyens. On attend.

Mogadishow
6
Écrit par

Créée

le 1 mai 2018

Critique lue 287 fois

3 j'aime

Mogadishow

Écrit par

Critique lue 287 fois

3

D'autres avis sur Avengers: Infinity War

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Avengers: Infinity War
Larrire_Cuisine
5

Boum boum piou-piou (rires) boum piou BOUM !

DISCLAIMER 1 : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorable à un système de notation. Seule la...

le 2 mai 2018

115 j'aime

9

Avengers: Infinity War
Sergent_Pepper
7

Mise à mort des pères sacrés

Il suffit peut-être de ne plus rien attendre d’une franchise pour lui donner l’occasion de nous prendre par surprise. Alors que le MCU croule sous son propre poids, hésitant entre la machine cyclique...

le 7 mai 2018

108 j'aime

11

Du même critique

Pentagon Papers
Mogadishow
4

Steven Spielberg a-t-il perdu son mojo ?

On avait quitté Steven Spielberg en pleine débâcle artistique avec le Bon Gros Géant, sa catastrophique adaptation du célèbre livre de Roald Dahl. Il fallait donc se remettre en selle fissa. Comme à...

le 14 janv. 2018

43 j'aime

5

The Dark Knight Rises
Mogadishow
7

Calmez-vous.

Réaction à tiède: globalement déçu mais ça reste très largement au dessus de 95% des blockbusters. Par ailleurs, et il fallait s'y attendre, dans le positif comme dans le négatif, les avis publiés...

le 25 juil. 2012

21 j'aime

6

Hyper Tension 2
Mogadishow
10

Halte! Ce film est l'un des meilleurs de tous les temps!!!

Un chef d'oeuvre absolu, complètement barré, foutraque et sans aucune limite. Et vous savez ce qu'il y a de bien là-dedans? C'est qu'une fois n'est pas coutume, c'est vrai. Lorsque les lumières se...

le 16 oct. 2010

21 j'aime

6