Le dernier film de Cédric Jimenez s’inscrit dans une tradition française datant d’une trentaine d’années qui consiste à cartographier nos banlieues si décriées via le prisme du cinéma vérité. Les efforts sont nombreux et parfois retentissants (La Haine bien évidemment en tête).
Avec cette promesse de « vivre » la banlieue, installé confortablement dans notre siège, les réalisateurs ont fréquemment utilisés le point de vue du mec local pour mieux décrypter cet univers particulier avec ses codes et comprendre les problématiques rencontrées. On peut citer dans cette veine social Bande de filles, Divines ou encore le film de Kery James, Banlieusards sortit sur Netflix pour les essais récents.


BAC Nord prend le contrepied de ce cinéma en se concentrant uniquement sur les unités de police côtoyant de près les blocks de la cité et les dealers entre autres. La comparaison avec le superbe Les Misérables de Ladj Ly sera forcément évoquée et à juste titre puisque le point de vue adopté semble le même sur le papier. Hélas, le dernier film de Jimenez ne tient à aucuns moments la comparaison et n’aura pas vraiment vocation à délivrer une réflexion sur l’état des banlieues aujourd’hui et sur l’ambiguïté des rapports de force entretenus. Pire, le film s’inspire de faits réels et fait le choix d’ériger les agents de la BAC en tant que martyres, ce qui peut poser des questions sur les intentions des scénaristes et sur la véracité des faits. Le carton d’ouverture du film prouve que l’équipe sait bien qu’elle marche sur des œufs. Certains ne manqueront certainement pas d’y voir un pamphlet pro RN. Un raccourci que l’on évitera ici.


BAC Nord s’inscrit en réalité davantage dans le genre du film policier/polar/action à la française. Ce n’est pas étonnant de retrouver le réalisateur et la scénariste (Audrey Diwan) de La French à la barre de ce film sévèrement burné et transpirant la testostérone. Amitié virile, concours de flingues et d’injures jusqu’au régime en protéines. On n’échappe pas aux clichés du genre. On sacrifie même Adèle Exarchopoulos réduite à un rôle de faire-valoir.
Sous l’angle de la série B généreuse et violente, BAC Nord pourra être apprécié à sa juste valeur. Un ride énervé au rythme maîtrisé. Quelques touches d’humour et répliques bien senties participent à l’alchimie des 3 acteurs principaux (François Civil et Karim Leklou en tête) et confèrent un véritable capital sympathie pour le film. Les scènes d’émeutes et de siège avec un tas de gens cagoulés parviennent à faire ressentir le chaos et l’oppression vécue par les policiers. Bref, un honnête divertissement nageant entre l’action effrénée d’un Fred Cavayé et une dissection de l’intérieur d’une brigade lorgnant vers du Olivier Marchal.


Du moins, durant les 80 premières minutes. Ensuite, le film retombe et s’essouffle. Cédric Jimenez maîtrise bien moins le drame, peine à capter la sensation d’isolement et la difficulté d’effectuer certains choix moraux. Il semble empêtré et enchaîné à la véritable histoire pour la première fois et termine son film assez laborieusement. Même un acteur confirmé et habitué à ce genre de rôle de gueule cassée tel que Gilles Lellouche peine à convaincre dans ce dernier acte.


C’est toujours dommage de finir sur une note salée mais qu’importe ces 15 dernières minutes ratées, on retiendra un film plaisant et généreux pour tout ceux qui réussiront à s’affranchir de ce qui ressemble à d’énormes défauts de prime abord.

Tchitchoball

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9

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