Un film millimétré comme une partition de musique

En traînant sur Netflix tout à l'heure je me suis rendu compte qu'ils avaient ajouté Baby Driver à leur catalogue. Eh putain qu'est-ce qu'ils ont eu raison !
C'est assez rare que devant Netflix je reste captivé par le film, généralement je réponds à des messages, je me renseigne sur la bio des acteurs, etc. Mais là, même sachant que j'avais déjà vu le film il y a trois ans au cinéma, il m'a de nouveau captivé, et pendant deux heures, je suis resté scotché devant mon écran de télévision.


Et donc vous l'aurez compris, l'intérêt de la critique n'est pas ici de savoir si Baby Driver est bon, mais plutôt pourquoi l'est-il autant ?


Déjà pour le contexte, Baby Driver est réalisé par Edgar Wright. Si vous ne le connaissez pas (honte à vous !), c'est le réalisateur de la trilogie Cornetto, une trilogie de films explorant différents genres (parodiant avec brio les films d'action ou d'horreur). Mais surtout, c'est le réalisateur d'un des meilleurs films traitant de jeu vidéo au monde : Scott Pilgrim. Bien que ce dernier film ne parle pas techniquement de jeu vidéo mais soit en réalité basé sur une BD, il avait réussi à en reprendre les codes et l'esthétique, en en faisant une oeuvre extraordinairement riche.
En plus de cela, il a inspiré de milliers de jeunes réalisateurs : c'est notamment de lui que viennent toutes les transitions dans le mouvement qu'utilisent les réalisateurs-vloggeurs type Benn Tk, Sam Kolder, etc. (pour l'exemple regardez le vidéo B-ROLL WITHOUT Slow Motion de Peter McKinnon).
En résumé : à seulement une quarantaine d'années, Edgar Wright (en plus d'avoir un nom pété de classe) est déjà un leader dans l'industrie cinématographique.


Et comme tout réel artiste, sur ce film il a décidé d'expérimenter avec des genres et styles différents. En commençant à écrire j'ai essayé de ranger le film dans une catégorie de film avant de me rendre compte que c'était impossible. Film d'action ? Certes, mais pas assez précis. Comédie romantique ? Romantique oui, comédie parfois, mais c'est pas du tout le genre du film non plus. Thriller ? Pas vraiment. Drame ou comédie musicale ? Non plus.
En fait ce film est un peu tout à la fois. On a un personnage avec un passé douloureux (perte des parents), mal à l'aise socialement, qui a un don pour la conduite, et est condamné à jouer au criminel, sur le fond d'une bande son des années 80. Et l'absence de réel genre rend le film d'autant plus intéressant car de ce fait il est unique.


De plus, c'est le genre de film qu'il est possible de re-regarder avec plaisir car son scénario est presque secondaire. Ce n'est pas un film qui est basé sur l'enchaînement des péripéties : en effet, le criminel pour lequel Baby travaille, Doc, est une ancre au personnage : jusqu'à la fin, Baby revient sans cesse vers lui. Ainsi la quasi-intégralité du film n'est pas basé sur une évolution de la situation des personnages, mais plus sur celle des personnages eux mêmes.
Et cette évolution est si bien maîtrisée que justement le scénario passe presque au plan secondaire. Je pourrais le comparer à John Wick dans ce sens là : le film au premier abord est juste un vulgaire film d'action. Sauf que tout ce qui entoure le personnage principal est si bien géré que peu importe la simplicité du scénario, le film donnera toujours du plaisir à être vu.


Donc qu'est-ce qui fait évoluer le personnage ?
Deux choses : la relation qu'il entretient avec Debora, et la musique.


Pour sa relation avec Debora, j'ai beaucoup apprécié les dialogues de leur rencontre. Similaire à une partition qui se déroulerait pendant qu'ils parlent, le jeu de questions-réponses de Debora à Baby est d'une fluidité parfaite. J'ai lu certaines critiques qui disaient que justement leurs dialogues étaient niais. Cependant je suis totalement en désaccord avec cela : Debora et Baby jouent la même musique et sont parfaitement accordés entre eux. Nul besoin donc de fioritures pour construire leur relation. C'est aussi la raison pour laquelle alors qu'ils ne se connaissent pas depuis longtemps, Debora est prête à devenir fugitive pour l'aider à s'échapper. Ils suivent le même métronome, autrement dit : Debora est l'âme soeur de Baby.
Et donc j'ai trouvé que leur histoire d'amour était non pas niaise mais belle dans sa simplicité et fluidité. On ressent les émotions, on développe de l'empathie pour eux, et c'est tout ce qui est nécessaire.


Je me rends compte que mis à part le dernier paragraphe où j'ai évoqué leur relation sous la métaphore de la musique, je n'ai pas parlé de la forme musicale du film à proprement parler ! Je vais donc terminer en parlant de ce avec quoi j'aurais dû commencer : la forme du film.
Le film démarre et on voit Baby qui attend au volant de sa voiture que les braqueurs reviennent. Il lance une musique et on comprend immédiatement que ce sera le fil rouge du film. Et en effet, le film ensuite sera entièrement basé sur sa bande sonore. Après une course-poursuite en voiture qui prouve la maîtrise insolente de Edgar Wright à filmer ce type de scènes, on a un plan séquence de presque 3 minutes, qui nous démontre qu'il est possible de donner du rythme à un film sans aucun effet de montage (plan séquence oblige). Petit détail anecdotique mais que j'ai trouvé hallucinant par exemple : les paroles de la musique (Harlem Shuffle) s'affichent à l'écran durant la séquence au travers de graffitis que l'on retrouve dans le décor, et le tout de manière parfaitement synchronisée.
Et c'est ce genre de petits détails qui font de Edgar Wright un grand réalisateur.
Le reste du film suit cette dynamique : il n'y a pas de creux dans le film, le film est très équilibré, assez léger sans l'être trop, et suit toujours son fil rouge musical qui nous guide au travers des états d'âmes de Baby. L'image est belle, les acteurs sont bons, la musique excellente, que demander de plus ?


En résumé, Baby Driver est un film à voir et à revoir. Il saura vous divertir et remettre un peu de légèreté si besoin, tout en restant une réelle oeuvre d'art d'un point de vue cinématographique.
Pour un musicien comme moi, c'est indéniablement un de mes films préférés, et je ne saurais que le recommander à ceux qui ne l'ont pas vu !

Selxis
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le 23 août 2020

Critique lue 136 fois

Selxis

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