Attention, cet avis comporte ce genre de spoilers:


Rayer un village de la carte, c'est une finalité métaphorique ou un moyen tactique? Merci d'envoyer l'idée à Black Mirror, histoire d'apprécier le pouvoir d'une multinationale de la cartographie (qui commencerait par G et finirait par OOGLE) à décider de ce qui existe ou pas (valable aussi pour les livres numérisés) et de voir l'effet de cet anéantissement sur la population locale.


La note est à la hauteur de la déception. La bande-annonce, bien aidée de la remarque "un western sous acide" des Inrocks et d'une musique de John Carpenter, semblait promettre un western intense et contemporain (voire un peu futuriste), dur et sec, politique et engagé dans un pays qui a un continent d'histoires à raconter: le Brésil (terre de...contrastes et de pragmatisme où s'entremêlent tous les extrêmes : la vie, la mort, la démocratie, la corruption, la pauvreté, la richesse, l'urbanisation, la paysannerie etc). Sauf que ce n'est pas de l'acide. C'est du lexomil. Ca ne fait pas le même effet.


Tous les éléments étaient là pour renouveler à la brésilienne la variante "spaghetti" du genre et l'ancrer politiquement dans notre époque: une intrigue typique du western, un coin reculé dans un pays en pleine mutation, une communauté, des meurtres, des drones, des chevaux, des motocross, de la poussière, de la terre, du sang et des flingues évidemment. Mais aussi : des travellings, des décors de western et une collection de "gueules" de cinéma.


Faire un western...le concept a dû paraître trop simple aux réals. Alors ils ont pris le contre-pied en flinguant le rythme avec une chronique villageoise quasi documentaire qui n'apporte qu'ennui et bâillements. On attend donc pendant 50 minutes que l'histoire daigne démarrer en se demandant qui est le personnage principal.


Cherchez pas, y en a pas. S'ils existent à l'écran en tant qu'archétypes (la toubib alcoolique, le seigneur de guerre aux ongles vernis, le chaman tout nu, le gentil voyou (qui a tué des innocents quand même)), ils n'ont pas d'histoires ni d'enjeux personnels, à peine un passé. Même la communauté en tant que mécaniques d'individualités n'est pas au cœur du récit puisqu'elle est idéalisée et toujours unanime.


Ensuite je divulgâche sévère:


plutôt que de présenter simplement les assassins (ce qui aurait suffit vu le profil neuf et atypique de ces névrosés), les réal louvoient et inventent une histoire à tiroir parce qu'il ne faudrait surtout pas qu'on comprenne trop vite). Au final, j'aurais bien voulu des explications en plus.


Au bout d'1h50, les réals se souviennent qu'ils voulaient faire un western et redécouvre l'usage du gros plan. 3 gros plans "bouche" et hop, un petit miracle se produit: un vrai final de western qui bouscule la situation classique. 5 bonnes minutes de jubilation, enfin!


Reste le sentiment désagréable d'avoir vu un film qui choque pour choquer sans trouver de cohérence et qui s’intéresse à l'idée de communauté mais pas à celles et ceux qui la composent. Les 7 mercenaires, toute la horde sauvage, le bon, la brute et le truand peuvent se retourner dans leur tombe.

Dandure
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le 25 sept. 2019

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