On savait déjà le cinéma hispanique pas mal déjanté. Avec Bacurau on découvre un cinéma lusophone complètement barré.
Entre fable politique et western allégorique, nous voici brinquebalés en camion citerne au fin fond du Nordeste brésilien, le sertão que chantait Bernard Lavilliers.
Un village paumé au milieu d’un aride nulle part, littéralement rayé de la carte, où même l’approvisionnement en eau a été coupé (d’où le camion citerne).
Un village peuplé d’une sacré galerie de portraits qui resteront dans les annales (la doctoresse, le DJ, le guitariste, les ‘putains’, et tous les autres !).
Un village ancré dans la tradition rebelle des cangaceiros, quelque part entre bandits et guerilleros.
Bref, déjà qu’ils ont ni l’eau, ni rien d’autre d’ailleurs, faut pas venir les emmerder les habitants de Bacurau.
Alors quand débarque un étrange équipage d’américains venus, as usual, jouer avec leurs armes à feu, ça va faire mal, très mal. Âmes sensibles s’abstenir.
Un film inclassable qui bouscule les genres : western, horreur, conte philosophique, ... qui se place dès le générique quelque part dans un futur très proche.
Non pas pour les trois gadgets d’anticipation qui parsèment le film mais bien plutôt parce que les réalisateurs Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles entendent nous décrire le Brésil de demain matin. Le monde de demain matin. Une version réaliste et actualisée de Mad Max.
Quelques jours plus tard, on retient surtout du film cette incroyable peinture des villageois de Bacurau : une communauté de vieux, de gros, de mioches, de moches, de dandys et de travelos, d’ivrognes, certains vivent à poil, d’autres torse nu en survêt’, d’autres arrosent leurs plantes, d’autres baisent la fenêtre ouverte, ...
Cette première partie du film est un sacré moment de cinéma.