Platon aurait pété les plombs et brûlé sa République

Quel film mon dieu! Voilà une claque comme ça faisait longtemps que j'en n'avais pas pris! Alors la recette était vouée à fonctionner: Nicolas Cage dans un rôle lui permettant de péter les plombs, une Amérique qui se remet d'un ouragan, des simples citoyens qui veulent simplement vivre leur vie, un cynisme qui rôde jusqu'à éclater suite à une blessure du dos.

Bad Lieutenant est brillant par l'évolution faite du personnage principal: Terrence est un policier très cynique, qui ne fait pas comme tout le monde. Puis son mal-être intérieur découvre la drogue, un paradis artificiel. L'intelligence sournoise que dissimule plutôt bien Nicolas Cage lui permet de s'en tirer encore et toujours, grâce à sa position de lieutenant.
Le summum de cette évolution se matérialise en réalité dès la première scène du film (très esthétique d'ailleurs) dans laquelle on voit un serpent d'eau qui rôde entre des barreaux de prison, oscillant entre le bien et le mal, le good et le bad cop. Terrence n'est pas encore lieutenant. A la fin du film, notre policier préféré est devenu capitaine. Il a embrassé le parti pris de l'injustice et de l'immoralité, suivant sa propre morale (ses propres intérêts). En toute logique, le film se termine sur Terrence et l'homme qu'il a sauvé de la noyade (dans la même eau que le serpent du début)... les deux hommes sont assis devant un aquarium rempli de requins. Nicolas Cage est devenu un requin, il vogue en eau profonde, ne se limite plus à faire un peu de bénéfice par-ci par-là: il est né pour être le patron.

C'est un putain de bol d'air frais ce film, tant la noirceur est poussée et l'humour invité sans être gênant. Des scènes d'hallucination au sérieux de Nicolas Cage quand il reprend immédiatement son rôle de connard de flic (juste après s'être fait sucé devant le petit copain, après avoir proposé de la marijuana à un gangsta et mille autres scènes hilarantes), l'histoire avance et l'humour n'est pas une tâche à remplir sur une to do list.

Alors oui, la famille de Nicolas Cage, on pouvait peut-être s'en passer... Mais ça nous offre des scènes assez sympas avec Eva Mendes puis ça ne fait pas tâche non plus quoi. Bref, si Platon démontait l'éloge de l'injustice de Thrasymaque dans sa République en lui disant d'aller revoir ses définitions, ici, on a une application concrète de l'éloge de l'injustice qui fait grincer les dents des bien pensants. Quand on suit sa propre morale dans un monde où tout le monde suit la justice (jusqu'à ne plus comprendre comment ou pourquoi mais c'est un autre débat), le mouton noir s'en sort bien... très bien... enfin il est muté capitaine de la police quoi. Et on dit merci au cinéma de pouvoir nous pondre des scénarios qui mettent en scène un Nicolas Cage qui retombe toujours sur ses pattes malgré des problèmes insurmontables.
Le film est drôle, punchy, immoral as fuck, divinement casté, mais surtout, un gros coup de poing dans la face de Platon.

Herzog 1
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