Jamais le dernier pour gueuler comme un âne à l'annonce d'un nouveau remake, celui de Bad Lieutenant, oeuvre sombre et mystique d'Abel Ferrara, m'avait laissé pourtant de marbre.

Mais, quand le cinéaste de la démesure à la filmographie atypique Werner Herzog fût annoncé à la réalisation et que Nicolas Cage décrocha le rôle principal, le projet me paru soudain plus intriguant. Qu'allait donc bien donner un Bad Lieutenant vu par un bavarois déjanté derrière la caméra et un acteur cabotin à moumoute devant ?

Le résultat s'appelle Bad Lieutenant : Escales à la nouvelle Orléans. Une œuvre incroyable et unique qui tient bien moins du pur remake commercial que d'une vision iconoclaste, déjantée et Gonzo du Bad Lieutenant hyper sérieux de Ferrara !

Et bien que ce bon Werner indique ne jamais avoir vu le Bad Lieutenant de Ferrara (sacré Werner), son faux-remake apparaît comme l'exact négatif loufoque et profondément second degré de l'œuvre originale.

D'ailleurs, pour marquer sa différence, Herzog a longtemps voulu s'affranchir de la filiation avec le film de Ferrara. D'abord en bataillant pour faire supprimer les mots Bad Lieutenant du titre de son film au profit d'un simple « Escales à la nouvelle Orléans » (les productifs voulant développer une franchise Bad Lieutenant, la demande d'Herzog a été refusée), en modifiant le ton et la forme du récit ensuite et, enfin, en transposant son intrigue dans une Nouvelle Orléans post Katrina (Exit les grattes ciels et les rues sombres de New York, bienvenue aux chalets en ruines, aux reptiles et aux inondations)

Et si cette unité de lieu peut d'abord paraître anecdotique voir simplement intéressée (depuis l'ouragan, l'état subventionne les films tournés dans la Nouvelle Orléans), le background dévasté de la plus Européenne des villes d'Amérique permet à Herzog de confondre le désordre et le chaos de la ville avec ceux qui rongent le personnage du Bad Lieutenant.

Maintenant, aussi humanitaire puisse paraître le projet (emploi, aide à la reconstruction, présentation des coutumes locales, etc..), cette escales à la Nouvelle Orléans n'est véritablement pas une aventure à prendre au 1er degrés. Dans chaque plan, dans le jeu des acteurs, dans les situations abracadabrantesques ou dans la narration hallucinée, Herzog convoque systématiquement la bouffonnerie et le second degré et parfois même semble rire de l'industrie tout entière du cinéma Américain.

Pris comme tel, Bad Lieutenant : Escales à la nouvelle Orléans s'avère un mélange des genres incroyablement habile. Une nouvelle fois atypique, l'œuvre d'Herzog oscille entre le pur polar codifié (l'enquête policière), le drame psychédélique et la pure comédie pince sans rire enchaînant une multitudes de scènes incroyablement drôles, parfois hallucinées, jamais touchantes mais toujours délicieusement Gonzo !

Aussi, cette Escales à la Nouvelle Orléans ne serait pas aussi plaisante sans la présence tout en cabotinage de notre Nicolas Cage national. Après de nombreux rôles alimentaires ayant engendré de magnifiques nanar (Wicker Man étant mon préféré), certains avaient bien vite oublié les prestations incroyables de l'homme au milles moumoutes lors de collaborations grandioses avec Allan Parker (Birdy), David Lynch (Sailor & Lula), Mike Nichols (Lord of War) ou encore Martin Scorsese (A Tombeaux Ouverts).

Dans la lignée, Werner Herzog semble avoir trouvé dans notre Ghost Rider, le trublion idéal pour renforcer l'aspect complètement décalé de son œuvre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a su tirer partie de toute la fibre artistique si particulière du neveu de Coppola qui en fait une fois de plus des tonnes pour le plus grand plaisir de nos mirettes et de nos zygomatiques.

Que ce soit dans la démarche de kasimodo adoptée par Cage pour simuler la douleur lombaire qui paralyse son personnage, dans les excès de folie qui le caractérisent (la scène du parking aussi drôle qu'improbable, l'interrogatoire musclé des mamies dans l'hospice) ou dans certaines scènes dramatiques hilarantes (la plus part des scènes avec Eva Mendes), tout, absolument tout le jeu d'acteur de Cage est basé sur la parodie, l'exagération et la pantalonade mais pour une fois, toujours en totale adéquation avec l'ambiance et l'orientation voulue par le réalisateur.

Allié aux délires de mise en scène expérimento-hallicinogènes d'Herzog lors des passages sous substances illicites du Bad Lieutenant (les visions d'iguanes, une scène de gun fight sur fond de musique country, les âmes des morts qui dansent le Hip Hop !!) et face à l'audace d'une fin totalement anti-conformiste entre théâtre de boulevard et farce existentielle, Bad Lieutenant Escales à la Nouvelle Orléans accumule les ruptures de ton, surprend, amuse et se pose comme une bonne grosse bouffonnerie, un grain de sable salvateur dans les rouages huilés de la grosse machine cinématographique Hollywoodienne.
David_Bergeyron
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le 29 déc. 2010

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