Alex de la Iglesia, le réalisateur le plus barré d'Espagne, revisite de manière allégorique et burlesque la Guerre Civile Espagnole. Malgré l'ambition saisissante qui traverse le film, le résultat à l'écran est inégal, entre instants de puissance et baisses de régime dommageables.
Psychédélique : tel est l'adjectif qui pourrait convenir pour qualifier une oeuvre comme Balada Triste. Violente aussi, ce qui n'étonne guère venant d'un réalisateur comme Alex de la Iglesia (Le Crime Farpait, 800 balles) qui a le mérite, pour son retour aux sources après le très pâle Crimes à Oxford, de signer une oeuvre à l'ambition démesurée, à mille lieues des clichés d'un cinéma espagnol souvent décevant ces dernières années. Une oeuvre dont le désir et l'audace sont les plus grandes forces, mais qui fait aussi courir le récit à sa perte, et ce à l'instar de son héros.

La polémique du lion d'or remis à Somewhere (Sofia Coppola) a pour ainsi dire éclipsé le lion d'argent qui avait distingué cette singulière Balada Triste. La dictature est encore fraîche dans les mémoires espagnoles, à l'origine d'une profusion de souvenirs et de faits dont le cinéma s'inspire inlassablement au lieu d'en jouer. C'est la tâche dont s'acquitte à merveille Alex de la Iglesia dans la première partie de son film, démontrant ainsi que la puissance évocatrice de ses images est plus forte que tout le reste. En débutant habilement par la massacre d'un régiment par un clown à machette, le réalisateur souligne non seulement l'absurdité de la guerre (topoï cinématographique) mais aussi son caractère éminemment burlesque, presque tragi-comique. Un enfant voit son père clown mourir sous ses yeux après avoir tenté de le libérer de cet emprisonnement. On comprend alors que la vengeance va devenir le credo du film et se décupler encore et encore, sublimée par une photographie remarquable auprès de scènes de guerre qui font naître un véritable enthousiasme chez le spectateur.

Successivement à cette brillante introduction, Alex de la Iglesia décide de nous transporter dans un cirque à l'ambiance étrange et morbide, où les scènes de rire (i.e. cascadeur fou) chassent des scènes tragiques quasiment toutes à l'initiative du clown joyeux (Antonio de la Torre). Le clown triste, lui (Carlos Aceres), à peine remis de la mort de son père et de sa mère, s'engage dans celui-ci pour y exercer ses talents. Il va tomber amoureux par la suite de la contortionniste (Carolina Bang) entraînant sa déchéance dans un conflit intense avec le clown joyeux. Un synopsis somme toute classique, où la jalousie conduit l'homme à commettre des atrocités, choses qui gagnent en ampleur quand elles sont perpétrées par deux clowns. Après quelques réflexions intéressantes sur le métier de clown comme prolongement de l'enfance pour ceux en ayant été privés, le film sombre au climax de la confrontation et retombe comme un soufflé.

Passée une revisite de l'histoire jouissive qui rappelle les derniers faits d'armes de Tarantino (Inglorious Basterds), le film se répète incessamment jusqu'à l'usure, pour enfin mieux s'écraser en plein vol. A la décharge d'Alex de la Iglesia, le sous-genre burlesque est un fil d'où l'on tombe facilement dans le ridicule, voire le navrant. Dès lors, avoir réussi un très bon moyen-métrage d'une heure ne lui suffisait sans doute pas, et il a préféré en rajouter quitte à exaspérer et voir très vite l'ennui s'installer. Toujours aussi extravagant, le film - ainsi que son héros - lorgnent vers la série télévisuelle plutôt que d'aller dans la voie d'un Joker à la Heath Ledger. De plus en plus affreux visuellement, il se solde par une scène finale dont la mince originalité consiste en une course-poursuite en porte-jartelles. On y sent toute la volonté de réaliser un film sincère, en grande mesure, mais la fadeur des personnages finit par diluer complètement le caractère délirant du film, qui plonge alors dans une redite continue assez affligeante.

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le 26 juin 2011

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C G

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