Bande de filles avance sur le fil, parfois inconfortable, parfois léger comme l'air, Céline Sciamma réalisant avec lui son film le plus ambitieux, avec pour volonté de maintenir l'équilibre entre engagement politique et puissance romanesque.

De la bande à Marieme rebaptisée Vic, du groupe à la jeune fille dans un monde oppressant de règles et de luttes de pouvoir, dominé par les hommes, des plus forts aux plus faibles, puis par les bandes de filles qui rivalisent et s'affrontent, des grands ensembles à l'intimité d'une chambre ou d'un échange amoureux, le troisième long métrage de Céline Sciamma travaille le sillon déjà tracé par Naissance de pieuvres et Tomboy, celui de l'apprentissage, de la différence, de la quête de soi.

Au bout, c'est la liberté [ou pas]. Vic et ses amies doivent la voler et voler au sens propre [elles raquettent] pour s'offrir des parenthèses hors du monde, hors du temps, l'instant en apesanteur d'une danse sur Diamonds de Rihanna, une partie de mini-golf...

Bande de filles est un collage, succession de présents multipliés séparés de plages sonores, le tout porté par un travail visuel éblouissant, le brun des peaux éclatant sur les bleus, les ocres, les rouges. Formellement très abouti, conjuguant une grammaire cinématographique particulièrement maîtrisée [jusqu'aux noirs séparant les chapitres], le film avance en créant les ruptures, cassant les rythmes, imposant une autre lecture narrative. C'est parfois déconcertant, certaines séquences semblant trop longues, l'ensemble un peu lent, mais l'arythmie imposée épouse le souffle de la vie, aussi terre à terre que romanesque.

On sort dérouté, pas totalement convaincu. Puis on se repasse certaines séquences, on repense à Marieme et à son instinct de vie, aux sombres issues qu'on lui propose, à la légèreté de ces gamines riantes et drôles, à la beauté de la mise en scène également, la souplesse des mouvements de caméra, la lumière, la partition musicale... Tout cela confirme le talent et l'audace d'une réalisatrice qui n'en finit pas de construire son œuvre.
pierreAfeu
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le 17 sept. 2014

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pierreAfeu

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