BARBARA (16,5) (Mathieu Amalric, FRA, 2017, 97min) :


Vertigineux Biopic sur l'artiste Barbara et la femme poète. Un tourbillon des sens sans aucun coup de pompe, car le cinéaste a des idées plein le réservoir ! Mathieu Amalric grâce à une mise en scène magistrale et inspirée, entre fiction et réalité, nous conduit sur les voies sans fausse note pour toucher à l'essence même de Barbara, la chanteuse, la femme complexe, par le biais d'un sensationnel labyrinthe où les souvenirs de Nantes à Göttingen magnifie le projet. Au gré d'archives de l'INA (sonores, passages télés, interviews) où avec un film de tournée réalisé par Gérard Vergez en 16mm, une mosaïque se tricote avec des scènes du réel, tournées dans le même format pour mieux se confondre dans une troublante symbiose des deux, pour devenir un portrait impressionniste au plus près de ce qu'on croit être la vérité sur Barbara. L'illusion est parfaite, puisque la magie du méticuleux montage offre même de nombreuses séquences où l'actrice Jeanne Balibar qui joue Brigitte devant jouer le rôle de Barbara pour une production fictionnelle ne fait bientôt plus qu'une même entité quand Brigitte étudie les chansons, les partitions, les gestes, la voix, les attitudes, le tricot et devient une Barbara, lors des récitals ou dans les coulisses et les loges. Une immersion sincère au cœur du personnage dont son mystère sert de support à une remarquable mise en abime lors de péripéties d'un tournage de film sur elle, et convoque ainsi trois déclarations d'amour (à son ancienne femme, à la chanteuse et aux pouvoirs du cinéma). Rarement à l'écran une caméra a aussi bien dit "je t'aime" à une femme que l'on a aimé intimement dans sa vie personnelle, la caméra magnifie l'actrice Jeanne Balibar, ce lien invisible, entre la muse et le pygmalion, se dévoile sous une autre Lumière donnant à cette œuvre un éclat particulièrement troublant. Cette œuvre d'orfèvre emplie de contre-champs se construit également avec des témoignages rares : Barbara et Brel sur le tournage de Franz, livre de Jacques Tournier Barbara ou les parenthèses publié en 1968. Une évocation artistique élaborée qui éblouit par ses nombreuses audaces stylistiques, ses allusions, son intelligence narrative sans linéarité et chronologie, sa finesse et ses moments de grâce poétiques à fleur de peau, ses éclatants trompe-l'œil, sous les mots ciselés des fameux couplets de la dame en noir. D'une liberté totale et d'une très grande maîtrise, loin des Biopic scolaires et sans âme, le génie du cinéaste invente des nouveaux codes où à partir d'un puzzle se reconstitue la légende d'une artiste dont il imprime avec talent tout ce qu'on sait d'elle. Venez vous perdre délicieusement lors de ce brillant voyage imaginaire unique, au centre de l'artiste Barbara. Élégant. Fascinant. Flamboyant. Émouvant.

seb2046
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le 11 sept. 2017

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