Barberousse > Barbe-Bleue > BarbeNoire

C'est avec une certaine mélancolie que j'écris cette critique un peu particulière pour moi à bien des égards, déjà car c'est un des 3 longs métrages de Kuro que j'avais déjà vu. Durant ce marathon lancé maintenant il y a quelques semaines, c'est plus de vingt ans de cinéma que j'ai traversé jusqu'à présent dont dix huit en compagnie d'un duo prolifique qui prend fin ici. Après seize films prodigieux, Kurosawa et Mifune ne travailleront plus jamais ensemble, une façon de refermer la boucle ouverte par le Maître en 1947 avec L'Ange ivre qui nous faisait découvrir ce jeune acteur charismatique et fougueux dans la peau d'un mafieux en herbe plein de contradictions, et qui après avoir été le fils spirituel de Shimura, bandit, Samouraï, peintre, stratège, général ou encore chef d'entreprise, devient à son tour mentor pour son grand final. C'est une ère qui prend fin et qui laisse un gros pincement au cœur.

Avec comme postulat un synopsis des plus classiques qui nous plonge dans un modeste dispensaire, dans lequel la misère et la pauvreté règne, Kurosawa offre en réalité le plus beau de ces récits, l'antagoniste parfait à l'adaptation maladroite des Bas-fonds de Gorki.
Barberousse c'est un film qui avoisine les trois heures et dont on aimerait jamais voir la fin, ce sont des personnages si vivants qu'on ne voudrait jamais les quitter. C'est l'histoire de cet homme magnifique qui sous sa barbe et ses airs bougons et s'il ne veut pas le reconnaitre, dédie sa vie aux autres et parvient à extirper les qualités de chaque personne qui croise sa route pour en annihiler les défauts. C'est un faiseur de miracle dans l'ombre, capable de faire réaliser à un médecin orgueilleux, vaniteux et hautain la vocation souvent perdue corrompue par l’appât du gain, capable de péter la gueule à 8 malfrats dans une scène jubilatoire pour récupérer une fillette malade, capable de rendre le sourire à cette même gamine de 12 ans qui vous réchauffe le cœur après avoir vécu l'enfer.

Barberousse c'est le plus beau des messages d’espoir, celui qui au lieu de vomir du pessimisme, t'apprend à vivre avec la mort et à l'accepter, c'est une bouleversante histoire d'amour qui arrive de nulle part quand tu t'y attends le moins alimenté par ses flashbacks marquants. C'est le genre de films qui me fait aimer les gens et la vie, ( vite oublié une fois que tu as fait un tour dehors, mais pendant 3 heures, c'est le cas ). C'est un Mifune absolument magistral qui à chacune de ses apparitions hypnotise la caméra te donnant envie de devenir volontaire dans son dispensaire pour changer le monde.

Kurosawa voulait que Barberousse soit une œuvre majeure de sa filmographie pourtant déjà si bien garnie et il s'est donné les moyens pour. Ne sombrant jamais dans le pathos, utilisant chaque élément de son récit pour une raison précise, comme en exposant la misère des patients pour faire évoluer de manière cohérente et subtile son médecin prétentieux, qui découvre comme nous spectateurs la détresse de ces malheureux. Porté par une mise en scène sobre et efficace, enveloppé dans une photographie somptueuse qui fait déjà regretter la disparition du noir et blanc dans ses prochains films, il magnifie les apparitions de Barberousse, ce médecin des pauvres qui s’est donné comme mission de guérir à la fois les corps et le coeur des gens.
Une ode renversante dans laquelle Mifune fait ses adieux à la caméra de Kuro de la plus belle des manières, en délivrant une prestation absolument mémorable, merci Toshiro.

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