Barbershop
5.9
Barbershop

Film de Tim Story (2003)

Barbershop investit le salon de coiffure pour hommes comme une vaste zone de turbulences, un microcosme dans lequel s’invitent et se heurtent les habitants plutôt défavorisés des quartiers sud de Chicago qui, tout en venant se faire une beauté, invitent leurs préoccupations, leurs difficultés, leurs joies.


Voilà donc une œuvre loquace, bavarde, amoureuse des ragots qui circulent sur les adultères, la forme idéale de l’arrière-train féminin : on y parle sans arrêt, on s’y affronte lors de duels verbaux mémorables, fort bien écrits et hilarants. Vu depuis l’extérieur, le salon ne paie pas de mine : petit, commun, presque invisible. Mais depuis l’intérieur, il paraît immense, les fauteuils décuplent la dimension de la pièce centrale qui se prolonge d’ailleurs dans la remise et les vestiaires, une fois la porte passée. On y mange, on y boit du jus de pommes, on y coiffe aussi. On y vit tout simplement. Et c’est cette vitalité que le réalisateur réussit à convertir en énergie de mise en scène : sa caméra ne se pose jamais, saute d’un camp à l’autre lorsque débats il y a – et combien de débats par jour ! –, suit les tontes, quitte la coiffure le temps de retrouver ses deux malfrats du dimanche, aussi inoffensifs que gaffeurs, incapables d’ouvrir le distributeur de billets qu’ils ont dérobé devant le magasin indien (et non pakistanais).


Le long métrage de Tim Story a l’art de donner à voir et à vivre des tranches de vie ; il est pris d’un mouvement constant, de l’humain y circule encore et encore, entre et sort comme pour animer les ailes d’un moulin. La thématique centrale n’est autre que l’authenticité et la fidélité à ses valeurs, traitée de deux manières concurrentes : par le dilemme d’un jeune coiffeur qui aimerait se lancer dans la musique mais qui reste attaché à sa famille de substitution, par le délit de J.D. et son acolyte qui ne parviennent à s’approprier ce qui n’est pas à eux. Sous ses airs de comédie inoffensive, Barbershop convie son spectateur à réfléchir sur ce qu’est la richesse véritable et où la chercher ; il brosse aussi le portrait de personnages attachants dont les enjeux sociaux et ethniques interrogent la notion de mixité sociale, d’intégration et d’identité au sein d’une Amérique divisée, et qui l’est encore. Contre une identité de couleur de peau – les Noirs d’un côté, les Blancs de l’autre –, le film prône le rassemblement au sein d’un même lieu de partage et de respect, ce lieu qui offrait jadis aux populations soumises au racisme (et qui en le sont encore) un conservatoire de dignité : le salon de coiffure.

Créée

le 14 nov. 2020

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