Analyse du découpage technique de Basic Instinct

J'ai analysé le film "Basic Instinct" de Paul Verhoeven, dans le cadre de mon travail de recherche pour le découpage de mon film "La Reine et Le clown", court métrage érotique.


Dans les scènes de sexe de ce film, j'ai pu remarqué que les femmes sont souvent filmées de dos, et sont souvent au dessus de leur partenaire sexuel. De dos, elles sont filmées en plan taille, Verhoeven montre leur réaction au sexe en plan poitrine de face.
Il y a beaucoup de jeu d'ombres pendant ces scènes de sexe. Elles permettent de montrer implicitement l'intensité sexuelle du rapport.
La caméra longe souvent les courbes du corps des femmes, un peu comme une caresse. Malgré leur nudité, on remarque qu'elles ne sont pas filmées comme dans un film pornographique. En effet, dans un film pornographique, les femmes sont filmées de l'exact même manière qu'un produit dont on fait la pub. Dans l'érotisme, on longe leur corps afin d'exciter le personnage.
Autre remarque, lors de conversation, les femmes sont souvent filmées en plongée, leur donnant un côté inférieur physiquement, mais lorsqu'elles sont en pleins rapports sexuels, elles sont filmées en contre plongée, comme pour signifier qu'elles prennent le dessus sur l'homme grâce au sexe.


Lorsque Michael Douglas discute avec Sharon Stone, on remarque certains plans construit de manière non académique. Ces plans respectent la règle des tiers, mais par exemple, de l'air est laissé dans des gros plans visages, alors que la femme ne regarde dans aucun direction. Ceci donne une sensation bizarre à l'oeil, et permet au spectateur de se rendre compte que, malgré une conversation banale, cette femme cache quelque chose de perturbant. De plus, lors de certains plans, Sharon Stone regarde dans une direction en gros plan face. La logique de composition voudrait que de l'air soit laissé vers la direction dans laquelle la femme regarde, mais l'air est laissé à l'opposé et ses yeux sont bords cadres. Composition étrange, pour exprimer l'étrangeté de cette femme.


SCENE DE L'INTERROGATOIRE


Cette scène est mythique. Parodié de nombreuses fois, dans "La Cité de la Peur" notamment, ou Chantal Lauby fait une excellente Sharon Stone à la française.
Lorsque l'on arrive dans cette salle d'interrogatoire, un plan d'ensemble est d'abord proposé afin que le spectateur ait le lieu en visuel, construction banale.
On peut remarquer que durant cette scène, Sharon Stone est souvent filmée en plan épaule, alors que les hommes sont filmés en plan poitrine. Ceci permet à Sharon Stone de mieux "faire l'amour à la caméra" comme on dit, et de plus affecter le spectateur dans son audace, son mépris, et son début de manipulation de Nick. Des plans américains sont aussi beaucoup utilisés afin que le spectateur puisse quand même fantasmer devant les magnifiques jambes croisées de Sharon Stone.
Lorsque cette dernière enlève son gilet, le plan est fixe, et cadré en plan épaule.
Alors que l'interrogatoire prend de l'ampleur, Sharon Stone se met à devenir de plus en plus sérieuse dans ses paroles. Ceci est exprimé notamment lorsqu'elle sort une longue réplique avec beaucoup de franchise par un zoom propre et progressif.
Lorsqu'elle décroise ses jambes, le mouvement est filmé en gros plan mais est assez court, assez pour exciter le spectateur, mais aussi le frustrer. Ceci permet de le rendre plus proche des hommes présents dans la salle, et de ressentir à peu près le même sentiment que chacun ressent pour elle, c'est à dire de l'excitation, mais de l'énervement face à ces provocations.
Lorsque Michale Douglas marche dans la pièce, des plans sont pris en travelling face à Sharon Stone, avec un mouvement faisant le raccord entre la trajectoire de Douglas. Ces plans permettent au spectateur d'oublier les autres hommes présents dans la salle, et de bien cerner ce petit "feeling" se créant entre Douglas et Stone.
Des gros plans cadrant les mollets et les pieds de Sharon Stone sont aussi pris. Ces plans font l'apologie de la beauté des jambes de Sharon Stone, et excite mais aussi frustre encore une fois, car il ne montre rien de plus que ces jambes que l'on veut longer jusqu'à arriver au sexe de cette femme.


SEXE ENTRE DOUGLAS ET STONE:


Pendant la première scène de sexe entre Sharont Stone et Douglas, on remarque des similitudes avec la première scène de sexe-meurtre,mais il y a aussi beaucoup de différences.
Les similitudes sont la pour créer une appréhension du spectateur, pensant qu'il va se passer exactement la même chose qu'il s'est passé pendant la première scène de sexe.
J'avais décrit pendant la première scène de sexe, la caméra qui longeait le corps de la femme, comme si elle la caressait, afin d'exciter le spectateur face à cette magnifique créature. Mais lorsque Sharon Stone couche avec Douglas, on remarque que la caméra ne longe non pas que le corps de Stone, mais longe les deux corps, comme pour montrer une unité entre ces deux personnages. On a donc plus l'impression d'avoir une scène de sexe amoureuse, et non pas juste impulsive.
Lorsque les deux personnages se déshabillent, tout est filmé en plan taille, et non pas en plan poitrine comme dans la première scène de sexe. Grâce à ce plan taille, l'oeil ne se concentre non pas que sur la femme, mais sur les deux corps.
La grosse similitude est la position montée de la femme sur l'homme pendant le rapport, créant ainsi des plongée sur Douglas, et des contre-plongées sur Stone. La différence est, encore une fois, dans la valeur de plan utilisé; dans la première scène de sexe, on avait des plans poitrines filmant les réactions des personnages à l'orgasme sexuel, alors que dans cette scène-ci, ce sont des gros plans qui filment l'orgasme. On a donc une plus grosse impression d'intimité, rappelant que ce rapport sexuel est plus important pour Sharon Stone que ces autres rapports.


Après chaques scènes de sexes, que ce soit Douglas, Stone, la psychologue, les conversations post-coït sont cadrées en plan américain. Les corps entiers sont montrés, afin d'enlever l'érotisme et de montrer la banalité de voir l'autre nu que nous ressentons après le sexe.


DISCUSSION:


J'ai aussi analysé les discussions entre hommes-femme pendant le film.
Comme je l'ai dit précédemment, les femmes sont filmées en plan plongée, et les hommes en contre plongée. Ces axes de caméra permettent de démontrer la domination physique qu'ont les hommes envers les femmes, et ceci s'inverse pendant les scènes de sexe.
On remarque aussi que la plupart des conversations sont filmées avec très peu de mouvement de caméra. Outre les jeux de plongée qui montrent la domination des hommes envers la femme dans ce film, on remarque que beaucoup de plans de conversation se terminent par une sortie de champ de la femme, comme pour montrer que cette dernière échappe cette domination. Cela déstabilise l'homme et décrédibilise sa domination envers la femme.
Il y a très peu de jeux de flous dans ce film, on remarque que les principaux sont lors de conversations, avec plus ou moins toujours la même recette: la femme est au premier plan, filmée à la poitrine, et c'est l'homme qui est en fond, flou, comme une simple forme dans l'espace.
Les conversations dans ce film jouent beaucoup aussi sur le fait que les deux sexes ne s'entendent pas. Remarquez les quelques gros plans cadrant un visage masculin et un visage féminin. Ces plans sont les seuls du film à être filmé avec des mouvements de caméra brusque, tremblants, sales. Cela déstabilise l'oeil pendant le plan, et empêche l'intimité que devrait créer le gros plan.


DEUXIEME SCENE DE SEXE ENTRE SHARON STONE ET MICHAEL DOUGLAS:


Pendant cette deuxième scène de sexe entre les deux personnages principaux, on y voit les mêmes codes que dans la première entre eux deux. Les plans taille, l'unité des corps, les gros plans visages lors de l'orgasme... Mais justement, dans cette ultime scène de sexe, annonçant la fin du film, Verhoeven va intensifier cette unité des corps. Comment ? Grâce à un simple plan général nous cadrant le lit, Michael Douglas couché avec Sharon Stone en position montée. Le sexe est intense mais ne bouge pas non plus dans tous les sens, et avec ce plan général filmé avec un très beau jeu d'ombre, on a l'impression que Verhoeven sacralise ces deux personnages en les filmant comme une statue, comme une sculpture. On a l'impression de non pas regarder deux personnages faisant l'amour, mais d'admirer une véritable oeuvre d'art.
Un autre inédit dans cette scène vient au moment du cunnilingus que Douglas fait à Stone. Il est à comparé avec la manière que Verhoeven a de filmer la fellation que Stone fait à Douglas. Stone n'est filmée qu'implicitement, et en plan fixe et droit, alors que lorsque Douglas a sa tête entre les jambes de Stone, il est filmé en plongée, depuis le ventre de Stone, montrant un peu la domination finale qu'à Stone sur Douglas.


LA TENTATION:


Très léger paragraphe, mais les séquences de tentation sexuelle sont à appuyer dans le chef d'oeuvre de Verhoeven. La tentation intervient en premier temps lorsque la psychologue vient chez Douglas, puis lors des conversations entre Douglas et Stone.
Prenons l'exemple de la première scène ou Douglas et sa psychologue se voit. Le plan est assez serré ( plan épaule) mais la tentation se voit dans la composition. Michael Douglas est en bord cadre gauche, et la psychologue en bord cadre droit. Ils se regardent dans les yeux, mais
le fait de les filmer les deux à chaque extrémité du cadre montre cette tentation, et surtout cette lutte contre la tentation. On a l'impression qu'un aimant les attire les deux au centre du cadre pour qu'ils se touchent, mais qu'ils luttent contre cet aimant.

LucasBARAN
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le 23 mai 2017

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