Batman & Harley Quinn
5.6
Batman & Harley Quinn

Long-métrage d'animation de Sam Liu (2017)

Vous, je ne sais pas, mais moi, l'Harley Quinn originale, celle de la série des années 90, me manquait beaucoup : transformée au fil des comics, jeux vidéos, anime et film en pute nymphomane pour nerd sans qu'il ne subsiste grand-chose de la complexité et de l'humour de son personnage, elle incarnait assez bien l'évolution qui tourne mal. Le genre Darwinisme qui se prend les pieds dans le tapis (ou un coup de pistolet gant de boxe dans les gencives). Heureusement, Bruce Timm, l'un des deux créateurs de la demoiselle, nous offre en cette année 2017 un Direct-to-DVD pour tous les nostalgiques de la série animée. Même design, même Harley.


J'ai dit "heureusement" ?


Je voulais dire "oh putain mais pourquoi ?". Ce serait plus juste.


Vous êtes prévenus. Je suis pas content et ça va chier sévère, parce que je ne vois pas grand-chose à sauver là-dedans et que le fanserv putassier pour trentenaire nostalgique a une légère tendance à réveiller mes pulsions façon Anton Ego.



Avec ta super-ceinture, t'as même pas un foutu scénario ?



Si vous avez vu la série des années 90 - et que vous êtes donc le public visé par cette chose - le scénario de départ de ce "Batman et Harley Quinn" (notez l'énorme recherche sur le titre, c'est à l'avenant du reste) vous sera très familier.


Poison Ivy s'associe à un mutant plante dimensionnel pour transformer le monde en gazon géant et Batman décide à contrecœur de collaborer avec Harley Quinn pour localiser et neutraliser l'empoisonneuse. À deux personnages près, l'histoire ressemble à s'y méprendre à "Harlequinade" (il s'agissait alors d'arrêter le joker) et dans les grandes lignes également : Harley qui ne se laisse pas convaincre, puis change d'avis, la crise de confiance de Batman envers elle, le retournement de veste, les doutes, etc... les mêmes mécaniques ont été conservées, il n'y a donc ici aucune surprise. Enfin si, et croyez-moi ce n'est pas la meilleure partie du téléfilm, où l'histoire "sérieuse" reste le seul truc qui tient à peu près et a pour principal tort... d'exister en plus court, mieux animé et plus intéressant, dans la série d'origine. Et de comporter des mini-incohérences et facilités d'écriture, mais on est plus à ça près.



Harle-déco-nnade



Le générique de début, en graphismes "Cartoon" annonçait un métrage plutôt délirant, exacerbant la malice d'Harley et son décalage avec l'extrême sérieux et la psychorigidité de Batman (comme dans son épisode modèle, qui fonctionnait très bien.). En soi, c'était plutôt une bonne idée, surtout à l'époque où à force d'être sérieuse, dark et Nolanesque, la chauve-souris semble au bord de la constipation.


Mais sincèrement...


L'humour - se voulant absurde - se réduit ici à une série de gags qui je pense font partie de la section "refusée" des merry melodies ou des animaniacs. Quand la série dispensait ses situations absurdes avec parcimonie pour en renforcer le décalage (et encore, certaines blagues étaient parfois dispensables), ici tout est emprunté, creux, étalé au maximum - il faut bien remplir 70 minutes de métrage avec un scénario qui en faisait 20 - voire du niveau d'un mauvais tex avery. Non, pas les vieux, les nouveaux, vous savez, avec leur look dégueu et leur humour pipi-caca ? Voilà, "Batman et Harley Quinn" c'est des blagues de sitcom auxquelles il ne manque que les rires enregistrés, un gag prout (j'espère que Paul Dini a pas vu ce truc, après Suicide Squad, il s'en relèverait pas), un gag vomi et deux trois blagues douteuses sur le cul, niveau sixième. J'ai toujours rêvé de voir des sous-entendus de fesse dans la série des années 90 ou voir Harley parler de Teub. Enfin, dans mes cauchemars. Et encore, si c'était drôle, même si pas très fin, si AU MOINS c'était marrant. Mais... non. On se demande seulement où on est tombés, si Bruce Timm a déjà les premiers signes de gâtisme ou si tout ceci est supposé être un immense troll, une sorte de mise en abîme de ce qu'incarne Harley Quinn. Il y a bien quelques blagues qui font mouche mais mécaniquement, sur soixante-dix minutes de film, toutes ne pouvaient pas être ratées. Et on ne se tord clairement pas de rire quand ça fonctionne.


Parce que c'est particulièrement navrant, je dois dire. Et encore plus de voir Batman et Nightwing rire à ces lamentables gags. En fait pire que navrant, c'est embarrassant.


Embarassant, comme ce moment où Batman, Nightwing et Harley se rendent dans un bar pour y trouver tous les seconds couteaux/méchants secondaires/design recyclés de la vieille série en train de danser et où Harley finit par pousser la chansonnette dans sa nouvelle voix VO - qui tient davantage de l'insupportable miaulement nasillard. Un passage long, gênant et totalement sans intérêt, si ce n'est d'étaler le gag "haha t'imagine si Batman se retrouvait au bar avec tous les hommes de main qu'il a croisés ? Lol ?". Un gag qui de base m'aurait pas fait rire. Même il y a vingt ans.


Oh et n'espérez pas que Nightwing et Batman servent à quoi que ce soit dans le film : le premier est là pour la caution cul d'Harley, le second pour justifier le titre. Basta. Harley est de toute façon plus efficace qu'eux.



Direct-to-decharge



L'animation est à chier. Le design reprend celui de la série animée - du moins celui de la troisième saison, déjà selon moi largement discutable - mais le tout est animé par ordinateur, ce qui tue toute spontanéité ou énergie. L'animation est rigide, remplie de plans répétés ou étirés en longueur pour gagner du temps, seul les décors rattrapent un peu la sauce. M'enfin on ne mate pas un anime Batman pour regarder les décors.


La musique est plutôt classe, par contre, inspirée de la série d'origine avec une petite réorchestration au passage et un fort accent jazz très sympathique. Côté doublage, la seule présente du casting français d'origine est la voix d'Harley. Ici, point de Richard Darbois pour Batman, c'est la voix française de Superman qui officie et même si ce n'est pas complètement infâme, il lui manque cette autorité, cette intensité propre à Batman. Le reste du casting fait son taf sans plus, vu qu'aucun des personnages emblématique n'est présent, qu'il s'agisse d'Alfred, du commissaire Gordon ou de Batgirl. C'est la crise, ma chère Ginette, il y a eu compression d'effectifs, on se débrouillera donc avec random militaire 1,2 et 3. C'est moins long à animer et à doubler.


Comme je le disais, le scénario est plombé par des facilités d'écriture : Nightwing qui trouve Harley par hasard quand le mettre simplement sur sa piste suite aux multiples interrogatoires qu'il mène aurait paru moins tiré par les cheveux, Batman qui retire sa ceinture pour mettre une branlée à une troupe d'hommes de mains mécontents ou, comble du bonheur, le premier deus ex machina qui ne sert à rien (et qui apparaît dans une mise en scène digne d'un disney). Mais littéralement à rien, c'est assumé, pointé du doigt et il semblerait que ce soit supposé être drôle. Du moins, j'espère que c'était l'intention. Le dénouement est d'un rare minable et anti-climax, par ailleurs.


Bref, "Batman et Harley Quinn" c'est souvent embarrassant, très con, pas franchement drôle et quand ça n'est aucun des trois, c'est tout simplement laborieux.


Mais surtout : c'est du racolage.



T'as changé, Harley...



Si je parlais au début de l'évolution d'Harley et pas en bien, c'était pas dans l'unique but de jouer les vieux cons ou les père-la-pudeur. Harley avait un côté sexy, comme pas mal de personnages féminins de Batman, j'ai pas de souci avec ça, pas plus que le personnage soit montré autrement puisque tout l'intérêt du Bat-univers, c'est de pouvoir revêtir une myriade de versions. Je n'aimais simplement pas les versions alternatives et continuais à trouver l'originale plus pertinente.


Et ce qui est terrible c'est que Bruce Timm, son propre créateur, n'a pas l'air d'avoir compris pourquoi le public qu'il vise ici aime la Harley d'origine. Parce que le but de ce métrage, c'est CLAIREMENT de caresser les fans de la première heure dans le sens du poil, easter egg pas subtils à l'appui. Sauf qu'il échoue complètement à même reproduire bêtement ce qui faisait l'intérêt de son modèle. Nous avons ici un design cartoon presque enfantin et des allusions clairement plus adultes, dispensées lourdement et traduisant un certain malaise. Le métrage est destiné au trentenaire nostalgique mais lui piétine la gueule avec des sabots de gnou sous stéroïdes.


On comprend très bien, au début du film, par la situation dans laquelle elle se trouve, que Timm déplore lui aussi l'hyper sexualisation d'Harley et veut montrer qu'elle est autre chose qu'une pute, qu'elle est une femme de caractère. On sent même une envie de féminisme en la montrant libérée dans sa sexualité, son indépendance et sa critique d'une société qui ne lui laissera jamais sa chance. Mais tout ça part en eau de boudin une fois écoulée la première demie-heure, et sombre dans le n'importe quoi évoqué plus haut. Timm n'aime pas ce qu'est devenu Harley mais il ne semble même plus savoir QUI elle est vraiment : il alterne la survivante enragée, la cosplayeuse fétichiste, la sale gosse incontrôlable, la super héroïne et commet en plus l'erreur de faire reposer le métrage sur ses épaules. Un métrage qui donc ne sait plus ce qu'il veut ni ce qu'il fait et vire au numéro chiant et ridicule où les personnages semblent courir dans tous les sens sans plus savoir comment ils s'appellent. Les bonnes intentions ne donnent pas toujours un bon résultat, ce film en est un cas d'école.


Pour conclure, si je devais trouver UN bon point à ce "Batman et Harley Quinn" c'est d'être toujours moins insupportable que Suicide Squad. C'est du niveau d'un gag prout, comme réconfort.

SubaruKondo
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le 17 août 2017

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SubaruKondo

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