A défaut d'être le nanar annoncé, "Batman v Superman" est un immense gâchis.
Même si je suis en accord avec de nombreuses critiques (notamment sur l'affrontement trop tardif, et finalement peu spectaculaire entre les deux héros), je n'ai pas envie de démolir le film sur sa structure et je n'ai aucun souci avec l'acrimonie accrue de ce Batman. Ce sont des choix d'auteur, et à ce titre, je les respecte. Mais qu'on ne vienne pas me parler de choix, lorsque le réalisateur pose sa caméra de façon totalement aléatoire.
Un cinéaste a évidemment le droit de varier son style et son esthétique (par exemple, je suis l'un des premiers à défendre Tim Burton, lorsqu'il se départ de son maniérisme gothique pour imposer un biopic simple et classique comme "Big Eyes", dans la mesure où il reste à la fois beau et touchant). Mais comment le Zack Snyder malin et parfois iconoclaste, qui nous a offert des images somptueuses tout au long de sa filmographie, a-t-il pu laisser passer des cadrages aussi paresseux, des mouvements de caméra aussi peu inventifs, une photo aussi négligée et une 3D aussi grossière ? S'est-il laissé tétaniser par les attentes du studio et des fans ? A-t-il oeuvré à la va vite ? Nombre de plans sont tout simplement illisibles, et sans mauvaise foi, votre humble serviteur a fini le visionnage avec une forte douleur oculaire (le corps a toujours le dernier mot, puisque dans un sursaut salvateur, mes paupières se sont à de nombreuses fois fermées dans les trente dernières minutes, non par ennui, mais pour me protéger d'une gestion toute approximative de la lumière et de la colorimétrie - comme Uwe Boll s'était soudainement pris pour David LaChapelle). Le montage chaotique enfonce encore un peu plus cette soupe aléatoire et brouillonne, comme pour signifier qu'il n'y a rien à sauver de cette entreprise. (Tant qu'à sombrer avec le Titanic...)
Et pourtant, il y a là les ingrédients d'un grand film. Les effets spéciaux sont honnêtes, le casting est loin d'être mauvais (Amy Adams et Holly Hunter sont, comme à leur habitude, impeccables même si légèrement sous-exploitées) et sans qu'il y ait de quoi crier au génie, certaines répliques ne manquent pas de saveur. Enfin, même si elle restera assez incompréhensible pour qui n'est pas fan de DC ou informé des plans de la Warner, la présentation des prochains héros de la Justice League a le mérite d'être originale. (Pas aussi efficace que les scènes post-générique du MCU, mais plutôt malin, dans ce qu'elles manifestent une volonté de démarcation par rapport à la concurrence).
Il aurait été injuste d'exiger que DC fasse du coloré, du rythmé, du souriant comme Marvel, mais aurait-il été illégitime de demander une vraie proposition et un soin des images comparables à Sucker Punch, 300 et Watchmen ? (on a du mal à croire que c'est le même réalisateur aux manettes).
Pour la Justice League, espérons que Snyder retrouvera l'inventivité et l'ambition esthétique de ses débuts. Qu'il ait laissé passer une abomination visuelle de la teneur du général Zod 2.0 est d'ailleurs assez révélatrice de sa nécessité de consulter un bon ophtalmo. Quant à Ben Affleck, pourtant immense acteur, son jeu avec les mâchoires constamment serrées appelle l'intervention d'un dentiste... En somme, les artisans de ce film n'ont pas eu le temps de faire un vrai check-up avant de se mettre sérieusement au travail.